Beautés de
fes dehors.
plus curieux des Comédies Chinoifes, quoique nous n’en-
tendiffions pas mieux ce qui s’y débitoit ;il ne feroit pas fort
agréable de les voir tous les jours, mais il faut en avoir
vû une de chaque genre. Indépendamment des grandes
pièces qui fe repréfentent fur un théâtre., chaque carrefour
, dans le quartier Chinois , a fes tréteaux, fur lefquels
on joue tous les foirs des petites pièces & des pantomimes.
Du pain & des fpectacles, demandoit le peuple Romain -, il
faut aux Chinois du commerce & des farces. Dieu me garde
de la déclamation de leurs aéleurs & aftrices qu’accompagnent
toujours quelques inftrumens. C ’eft la charge du
récitatif obligé, & je ne connois que leurs geftes qui foient
encore plus ridicules. Au refte , quand je parle de leurs
afteurs, c’eft improprement ; ce font des femmes qui font
les rôles d’hommes.Au furplus, & on en tirera telles con-
clufions qu’on voudra, j’ai vû les coups de bâtons prodigués
fans mefure fur les planches chinoifes, y avoir un
füccès tout auffi. brillant que celui dont ils jouiffent à la
comédie Italienne & chez Nicolet.
Nous ne nous laffions point de nous promener dans les
environs de Batavia. Tout Européen, accoutumé même
aux plus grandes capitales, feroit étonné de la magnificence
de fes dehors. Us font enrichis de maifons oz de
jardins fuperbes, entretenus avec ce goût & cette propreté
qui frappe dans tous les paysHollandois. Je ne craindrai
pas de dire qu’ils furpaflent en beauté & en richeffes
ceux de nos plus grandes villes de France, & qu’ils approchent
de la magnificence des environs de Paris. Je ne dois
pas oublier un monument qu’un particulier y a élevé aux
Mufes. Le fieur Mohr, premier Curé de Batavia, homme
richê à millions, mais plus eftimable par fes connoiflances
& fon goût pour les fciences, y a fait conftruire dans un
jardin d’une de fes maifons, un obfervatoire qui honore-
roit toute maifon royale. Cet édifice , qui efi: à peine fini,
lui a coûté des fommes immenfes. Il fait mieux encore, il
y obferve lui-même. II a tiré d’Europe les meilleurs infiru-
mens en tout genre, néceffaires aux obfervations les plus
délicates, & il efi: en état de s’en fervir. Cet Afironome »
le plus riche fans contredit des enfans d’Uranie, a été enchanté
de voir M. Verron. Il a voulu qu’il paflat les nuits
dans fon obfervatoire ; malheureufement il n’y en a pas eu
une feule qui ait été favorable à leurs defirs. M. Mohr a
obfervé le dernier paffage de Venus, & il a envoyé fes
obfervations à l’Académie de Harlem' ; elles ferviront à
déterminer avec précifion la longitude de Batavia.
Il s’en faut bien que cette ville, quoique belle, réponde à
ce qu’annoncent fes dehors. On y voit peu de grands édifices,
mais elle efi: bien percée -, les maifons font commodes
& agréables ; les rues font larges &. ornées la plûpart
d’un canal bien revêtu & bordé d’arbres, qui fert à la propreté
& à la commodité. Il efi: vrai que ces canaux entretiennent
une humidité malfaine qui rend le féjour de Batavia
pernicieux aux Européens. On attribue aufîi en partie
le danger de ce climat à la mauvaife qualité des eauxj ce
qui fait que les gens riches ne boivent ici que des eaux de
Selfe, qu’ils font venir de Hollande à grands frais. Les rues
ne font point pavées, mais de chaque côté il y a un large
& beau parapet revêtu de pierres de taille ou de briques,&
la propreté hollandoife ne laifle rien à defirer pour l’entretien
de ces trotoirs. Je ne prétends pas au refie donner une
defcription détaillée de Batavia, fujet épuifé tant de. fois.
On aura l’idée de cette ville fameufe en fachant qu’elle efi
Y y i j
Intérieur de
la ville.