Arrivée des
CCaocrirqéugeidso rs&
des Millions à
Buenos - Aires.
Ils paroiffent
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général.
On y vit arriver le 13 Septembre tous les Corrégidors
& un Cacique de chaque peuplade, avec quelques Indiens
de leur fuite. Ils etoient fortis des millions avant
qu’on s’y doutât de l’objet qui les faifoit mander. La nouvelle
qu’ils en apprirent en chemin leur fit impreffion ,
mais 11e les empêcha pas de continuer leur route. La feule
inftruéfion, dont les Curés euflent muni au départ leurs chers
néophytes, avoit été de ne rien croire de tout ce que leur
débiteroit le Gouverneur General. « Preparez-vous, mes
» enfans, leur avoient-ils d it, à entendre beaucoup de
» menfonges ». A leur arrivée, on les amena en droiture
au Gouvernement, où je fus prefent a leur réception. Ils y
entrèrent à cheval au nombre de cent vingt, & s’y formèrent
en croiftant fur deux lignes : un Efpagnol inftruit
dans la langue des Guaranis leur fervoit d interprète. Le
Gouverneur parut à un balcon ; il leur fit dire qu ils etoient
les bien venus, qu’ils allaffent fe repofer , & qu il les infor-
meroit du jour auquel il auroit réfolu de leur fignifier les
intentions du lloi. II ajoûta fommairement qu’il venoit les
tirer d’efclavage, & les mettre en poffeffion de leurs biens,
dont jufqu’à préfent ils n’avoient pas joui. Ils repondirent
par un cri général, en élevant la main droite vers le ciel,
& fouhaitant mille profpérités au Roi & au Gouverneur.
Ils ne paroiffoient pas mécontens, mais il étoit aifé de démêler
fur leur vifage plus de furprife que de joie. Au fortir
du Gouvernement, on les conduifit à une maifon des Je-
fuites où ils furent logés, nourris & entretenus aux dépens
du Roi. Le Gouverneur, en les faifant venir, avoit mande
nommément le fameux Cacique Nicolas , mais on écrivit
que fon grand âge & fes infirmités ne lui permettoient pas
de fe déplacer.
A mon départ de Buenos-Aires, les Indiens n’avoient
pas encore été appellés à l’audience du Général. Il vou-
îoit leur laifter le tems d’apprendre un peu la langue & de
connoître la façon de vivre desEfpagnols. J’ai plufieursfois
été les voir. Ils m’ont paru d’un naturel indolent, je leur
trouvois cet air ftupide d’animaux pris au piège. L’on
m’en fit remarquer que l’on difoit fort inftruits ; mais comme
ils ne parloient que la langue Guaranis, je ne fus pas
dans le cas d’apprétier le degré de leurs connoiffances ;
feulement j’entendis jouer du violon un Cacique que l’on
nous affuroit être grand muficien ; il joua une fonate, &
je crus entendre les fons obligés d’une ferinette. Au refte
peu de tems après leur arrivée à Buenos-Aires, la nouvelle
de l’expulfion des Jéfuites étant parvenue dans les
millions, le Marquis de Bukarely reçut une lettre du Provincial
qui s’y troüvoit pour lors, dans laquelle il l’afîùroit
de fa foumiffion & de celle de toutes les peuplades aux
ordres du Roi.
Ces millions des Guaranis & des Tapes fur l’Uraguai
n’étoient pas les feules que les Jéfuites euflent fondées
dans l’Amérique méridionale. Plus au Nord ils avoient
raflemblé & fournis aux mêmes loix les Mojos, les Chi-
quitos & les Avipones. Ils formoient auffi de nouvelles
réductions dans le Sud du Chili du côté de l’île du Chiloéj
& depuis quelques années ils s’étoient ouvert une route
pour pafler de cette province au Pérou, en traverfant le
pays des Chiquitos, route plus courte que celle que l’on
fuivoit jufqu’à préfent. Au refte dans les pays où ils péné-
troient, ils faifoient appliquer fur des poteaux la devife de
la compagnie ; &; fur la carte de leurs réductions faite
O ij
Etendue des
millions.