Son départ de
Paris.
Moyens pris
pour le renvoyer
chez
lui.
queftions comme je letois, quand je me difpofoisà y fa-
tisfaire , les perfonnes qui m’en avoient honoré , étoient
déjà loin de moi. C ’eft qu’il eft fort commun dans les capitales
de trouver des gens qui queftionnent non en curieux
qui veulent s’inftruire , mais en juges qui s’apprêtent
à prononcer : alors qu’ils entendent la réponfe ou ne l’entendent
point, ils n’en prononcent pas moins.
Cependant, quoique Aotourou eftropiât à peine quelques
mots de notre langue, tous les jours il fortoit feul, il
parcouroit la ville, & jamais il ne self égaré. Souvent il
faifoit des emplettes , & prefque jamais il n’a payé les
chofes au-delà de leur valeur. Le feul de nos fpeélacles
qui lui plût, étoit l’opéra; car il aimoit paffionnément la
danfe. Il connoiffoit parfaitement les jours de ce fpeêla-
cle ; il y alloitfeul, payoit à la porte comme tout le monde,
& fa place favorite étoit dans les corridors. Parmi le grand
nombre de perfonnes qui ont déliré le voir, il a toujours
remarqué ceux qui lui ont fait du bien , & fon coeur re-
connoiffant ne les oubliait pas. fi étoit particulièrement
attaché à Madame la Ducheffe de 'Choifeul qui-l’a com-
blé de bienfaits & fur-tout de marques d’intérêt & d’amitié
, auxquelles il étoit infiniment plus fienfible qu’aux
préfens. Audi alloit-il de lui-même voir cette généreufe
bienfaitrice toutes les fois qu’il favoit quelle étoit à
Paris.
li en eft parti au mois de Mars 1770, & il a été s’embarquer
à la Rochelle fur le navire le Brijjon, qui a dû le
tranfporter à Pile de F rance. Il a été confié pendant cette
traverfée aux foins d’un négociant qui s’eft embarqué fur
le même bâtiment dont il eft -armateur en partie. Le Mi-
-niftere a ordonné -au Gouverneur & à l’Intendant de l’île
de France de renvoyer de-là Aotourou d'ans fon île. J’ai
donné un Mémoire fort détaillé fur la route à faire pour
s’y rendre, & trente-fix mille francs- ( c’eft le tiers-de mon-
bien) pour armer le navire deftiné à cette navigation.
Madame la Ducheffe de Choifeul a porté l’humanité juf-
qu à confacrer une fomme d’argent pour tranfporter à-Taiti
un grand nombre d’outils de nécefîité première, des graines,
des beftiaux , & lé Roi d’Efpagne a daigné permettre que
ce bâtiment, s’il étoit néceffaire’, relâchât aux Philippi-.
nés. Puiffe Aotourou revoir bientôt fes compatriotes-! Je
vais détailler ce que j ’ai cru comprendre fer les moeurs de
fon pays dans mes couver fado ns avec lui.
J’ai déjà dit que l'es Taitiensreconnoiffent un Etre fe-
prême qu’aucune image faéMce ne Içaurûit repréfenter,
& des divinités febalternes de- deux métiers-, comme dit
Amyot,: repréfentées par des figures de bois. Ils prient
au lever & au coucher dufoleil; mais ils ont en détail un
grand nombre de pratiques feperftitieufes pour conjurer
l’influence des mauvais génies. La comete, vifible à Paris
en 1769:, & qu’Aotourou a fort bien remarquée, m’a
donné lieu d’apprendre que- lesTaitiens connoiffent ces
affres qui ne reparoiffent, m’a-t-il dit, qu’après un grand
nombre de lunes. Ils nomment les cometes evetou eave, &
n’attachent à leur apparition aucune idée finiftre. Il n’en
eft pas de même de ces elpeces de météores qu’ici le peuple
croit être des étoiles qui filent. LesTaitiens, qui les
nomment epao., les croyent un génie malfaifant eatoua
toa.
Au refte, les gens inftruits de cette nation, fans être afi
tronomes., comme l’ont prétendu nos gazettes, ont une
nomenclature des conftellations les plus remarquables-; ils
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Nouveaux
détails fur les
moeurs de
Taiti.