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ronnoient j il en maltraita même quelques-uns. Nous arrêtâmes
fes recherches, en tâchant feulement de lui faire
.comprendre que l’auteur du vol pourroit être laviélime de
fa friponnerie, & que fon larcin lui donnerait la mort.
Le chef & tout le peuple nous accompagnèrent jufqu’à
nos bateaux. Prêts à y arriver, nous fûmes arrêtés par un
infulaire d’une belle figure qui, couché fous un arbre, nous
offrit de partager le gazon qui lui fervoit de fiége. Nous
l’acceptâmes $ cet homme alors fe pencha vers nous, &
d’un air tendre , aux accords d’une flûte dans laquelle un
autre Indien fouffioit avec le nez, il nous chanta lentement
une chanfon, fans doute anacréonrique : fcène charmante,
& digne du pinceau de Boucher. Quatre infulaires vinrent
avec confiance fouper & coucher à bord. Nous leur fîmes
entendre flûte, baffe, violon, & nous leur donnâmes un
feu d’artifice compofé de fufées & de ferpentaux. Ce fpee-
tacle leur caufa une furprife mêlée d’effroi.
Le 7 au matin, le chef, dont le nom efl E^eti, vint à
bord. Il nous apporta un cochon, des poules & le piflolet
qui avoit été pris la veille chez lui. Cet aéle de julfice nous
en donna bonne idée. Cependant nous fîmes dans la ma-
Campement tinée toutes nos difpofitions pour defcendre à terre nos malades
& nos pièces à l’eau, & les y biffer en établiffant
une garde pour leur fûreté. Jedefcendis l’après-midi avec
armes & bagages , & nous commençâmes à dreffer le
camp fur les bords d’une petite riviere où nous devions
faire notre eau. Ereti vit la troupe fous les armes, & les
préparatifs du campement, fans paroître d’abord furpris ni
mécontent. Toutefois quelques heures après , il vint à moi
accompagné de fon pere & des principaux du canton qui
lui avoient fait des représentations à cet égard, & me fit
a terre projet-
tè de notre
part.
Oppofition
de la part des
infulaires.
r a u t o u r . d u M o n d e . 195
entendre que notre féjour à terre leur déplaifoit, que nous
étions les maîtres d’y venir le jour tant que nous voudrions,
mais qu’il falloir coucher la nuit à bord de nos vaiffeaux.
J’infiffai fur rétabliffement du camp, lui faifant comprendre
qu’il nous étoit néceffaire pour faire de l’eau, du bois,
& rendre plus faciles les échanges entre les deux nations.
Us tinrent alors un fécond confeil, à l’iflu duquel Ereti
vint me demander fi nous raflerions ici toujours, ou fi nous
comptions repartir, & dans quel rems. Je lui répondis que
nous mettrions à la voile dans dix-huit jours , en figne duquel
nombre je lui donnai dix-huit petites pierres ; fur cela,
nouvelle conférence à laquelle on me fit appeller. Un
homme grave, & qui paroiffoit avoir du poids dans le
confeil, vouloit réduire à neuf les jours de notre campement
, j’infiftai pour le nombre que j’avois demandé, &
enfin ils y confentirent.
De ce moment la joie fe rétablit ; Ereti même nous
offrit un hangard immenfe tout près de la riviere , fous lequel
étoient quelques pirogues qu’il en fit enlever fur le
champ. Nous dreffâmes dans ce hangard les tentes pour
nos fcorbutiques , au nombre de trente-quatre, douze de
la Boudeufe & vingt-deux de VEtoile, & quelques autres
néceffaires au fervice. La garde fut compofée de trente
foldats, & je fis auffi defcendre des fufils pour armer les
travailleurs & les malades. Je refiai à terre la première
nuit, qu’Ereti voulut aufli pafler dans nos tentes. Il fit apporter
fon fouper qu’il joignit au nôtre, chaffa la foule qui
entourait le camp, & u e retint avec lui que cinq ou fix de
fes amis. Après fouper, il demanda des fufées, & elles lui
firent au-moins autant de peur-que de -plaifir. Sur la fin de
la nuit, il envoya chercher une de fes-femmes qu’il fit cou-
B b ij
Us yconfen-
tent,& à quelles
conditions.
Camp établi
plaoduers le&s mleas
travailleurs.