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pece de lac que cette île embraffe , les unes à la voile ”
les autres avec des pagayes. Les Sauvages qui les condui-
foient étoientnuds. Le foir nous vîmes un affez grand nombre
d’infulaires difperfés le long de la côte. Ils nous parurent
avoir auffi à la main de ces longues lances dont nous
menaçoient les habitans de la première île -, nous n’avions
encore trouvé aucun lieu où, nos canots puffent aborder.
Par-tout la 'mer écumoit avec une égale force. La nuit
fufpendit nos recherches -, nous la paffâmes à louvoyer {>bus
les huniers ; & nayant découvert le 24 au matin aucun
lieu d’abordage, nous pourfuivîmes notre route & renonçâmes
à cette île inacceffible que je nommai à caufe de
fa forme, Vile de la Harpe. Au relie cette terre fi extraordinaire
eft-elle naiffante, eft-elle en ruine? Comment eft-
êlle peuplée ? Ses habitans nous ont femblé grands &
bien proportionnés. J’admire leur courage, s’ils vivent
fans inquiétude fur ces bandes de fable qu’un ouragan
peut d’un moment à l’autre enfevëlir dans les eaux.
Première di. ' Le même jour à cinq heures du fôir on apperçut une
pei dangereux, nouvelle terre à la diftance de fèpt à huit lieues ; l’incertitude
de fa pofition, le tems inconftant par grains de orages,
& l’obfcurité nous forcèrent de paffer la nuit fur les
bords. Le 25 au matin nous aecoftâmes la terre que nous
reconnûmes être encore une île très-balfe, laquelle s’é-
tendoirdùSud-Eft auNord-Oueft, dans une étendued’en-
viron vingt-quatre milles. Jufqu’au 27 nous continuâmes
à naviguer au milieu d’îles baffes de en partie noyées ,
dont nous examinâmes encore quatre , toutes de la même
nature, toutes inabordables, &qui ne méritoient pas que
nous perdiffions notre tems à les vifiter. J’ai nommé l’archipel
dangereux cet amas d’îles dont nous avons vu onze
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& qui font probablement en plus grand nombre. La navigation
eft extrêmement périlleufe au milieu de ces terres
baffes, hériffées de brifans & femées d’écueils, où il convient
d’ufer , la nuit fur-tout, des plus grandes précautions.
Je me déterminai à faire reprendre du Sud à la route,
afin de fortir de ces parages dangereux. Effeèlivement
dès le 28 nous ceffâmes de voir des terres. Quiros a le
premier découvert en 1606 la partie méridionale de
cette chaîne d’îles qui s’étend fur l’Oueft-Nord-Oueil, de
dans laquelle l’Amiral Roggevin s’eft trouvé engagé en
1722 vers le quinzième parallèle ; il la nomma le Labyrinthe.
Je ne fais au refte fur quel fondement s’appuient
nos Géographes, lorfqu’ils tracent à la fuite de ces îles un
commencement de côte vue, difentils , par Quiros, de
auquel ils donnent foixante-dix lieues de continuité. Tout
ce qu’on peut inférer du journal de ce navigateur, c’eff
que la première terre à laquelle il aborda après fon départ
du Pérou , avoit plus de huit lieues d’étendue. Mais , loin
de la repréfenter comme une côte confidérable, il dit que
les Sauvages qui l’habitoient, lui firent entendre qu’il trou-
veroit de grandes terres fur la route. S’il en exiffoit ici une
confidérable, nous ne pouvions manquer de la rencontrer
, puifque la plus petite latitude à laquelle nous foyons
jufqu’à préfent parvenus, a été i7 d 40', latitude que Quiros
obferva fur cette côte , dont il a plu aux Géographes
de faire un grand pays.
Je tombe d’accord que l’on conçoit difficilement un fi
grand nombre d ’îles baffes & de tertes prefque noyées,
fans fuppofer un continent qui en foit voifin. Mais la Géographie
eft une fcience de faits $ on n’y peut rien donner
Erreur dans
les Cartes de
cette partie
de la mer Pat
cifique.