confiée,"qu’il me ïbit permis dè pfeveiiir q’uôn
ne doit pas en regarder la relation comme un ouvrage
d’amufement : c’eft fur-tout pour les Marins
quelle efl Faite. D ’ailleurs cette longue navigation
autour du globe , n offre pas lareffource
des voyages de mer faits en tems de guerre , lesquels
fournifTent des fcènes intéreflantes pour les
gens du monde. Encore fi l’habitude d'écrire avoit
pû m’apprendre à fauver par la forme une partie
de la fécherefié du fonds î Mais, quoiqu’initié aux
Sciences dès ma plus tendre jeuneffe , ouïes leçons
, que daigna me donner M. d Alembert, me
mirent dans le cas de prefenter a 1 indulgence du
Public un Ouvrage fur la Géométrie, je fuis maintenant
bien loin du fan&uaire des Sciences & des
Lettres -, mes idées & mon flyle n’ont que trop
pris l’empreinte de la vie errante & fauvage que
je mene depuis douze ans. Ce n’efl ni dans les
forêts du Canada, ni fur le fein des mers, que
l’on fe forme à l’art d’écrire , & j’ai perdu un
frere dont la plume aimée du Public, eût aide à
la mienne.
Au refie, je ne cite ni ne contredis perfonne ;
je prétends encore moins établir ou combattre
aucune hypothèfe. Quand meme les différences
trèstrès
fenfibles, que j’ai remarquées dansles diver-
fes contrées où j’ai abordé, ne m’auroient pas empêché
de me livrer à cet efprit de fyflême , fi
commun aujourd’hui, & cependant fi peu compatible
avec la vraie Philofophie, comment au-
rois-je pû efpérer que ma chimere, quelque vrai-
femblance que je fçuffe lui donner, pût jamais
faire fortune ? le fuis voyageur & marin ; c’efl-
à-dire, un menteur , & un imbécille aux yeux de
cette claffe d’écrivains pareffeux & fuperbes qui,
dans les ombres de leur cabinet, philofophent à
perte de vûe fur le Monde & fes habitans, ôc
foumettent impérieufement la nature à leurs imaginations.
Procédé bien fingulier, bien inconcevable
de la part de gens qui, n’ayant rien obfervé
par eux-mêmes, n’écrivent, ne dogmatifent que
d’après des obfervations empruntées de ces mêmes
voyageurs auxquels ils refufent la faculté de voir
& de penfer.
Je finirai ce difcours en rendant juflice au courage
, au zèle, à la patience invincible des Officiers
( 1 ) & équipages de mes deux vaiffeaux. Il
(1) L’Etat Major de la frégate la Boudeufe , étoit compofe de
MM. de Bougainville, Capitaine
de Vaiffeau ; Duclos Guyot ,
Capitaine de Brûlot ; Chevalier
de Bournand, Chevalier d’Orai-
fôn, Chevalier du Bouchage ,
Enfeignes de Vaiffeau ; Chevac