fons dans ces éprouvions depuis iong-tems de la part des vents, que
parages. dans les Moluques on appelle mouflon du Nord celle du
Oueft, & mouflon du Sud celle de l’Eft; parce que pendant
la première les vents foufllent plus ordinairement du
Nord-Nord-Oueft que du Ouefl, & pendant la fécondé
ils viennent le plus fouvent du Sud Sud-Eft. Ces vents
régnent alors de même dans les îles des Papous & fur la
côte de la nouvelle Guinée ; nous le favions par une trifte
expérience, ayant employé trente-fix jours à faire quatre
cents cinquante lieues.
' ■ •go Le premier Septembre, la lumière du jour naiflant nous
Septembre, montra que nous étions à l’entrée d’une baie dans laquelle
il y avoit plufleurs feux. Bientôt après, nous apperçûmes
deux embarcations à la voile, de la forme des bateaux
Malays. Je fis arborer pavillon & flamme Hollandoife, .&
tirer un coup de canon, & je fis une faute fans le fçavoir.
Nous avons appris depuis que les habitans de Ceram
font en guerre avec les Hollandois , qu’ils ont chaffés
de prefque toutes les parties de leur île. Aufli courûmes-
nous inutilement un bord dans la baie ; les bateaux fe réfugièrent
à terre, & nous profitâmes du vent frais pour continuer
notre route. Le terrein du fond de la baie eft bas &
uni, entouré de hautes montagnes, & la baie eft femée de
plufieursîles. Il nous fallut gouverner à Oueft-Nord-Oueft
pour en doubler une affez grande, fur la pointe de laquelle
on voit un îlot & un banc de fable , avec une bâture qui
paroît s’alonger une lieue au large. Cette île fe nomme
Bonao, laquelle eft coupée en deux par un canal fort étroit.
Quand nous l’eûmes doublée, nous gouvernâmes jufqu’à
midi à Oueft-quart-Sud-Oueft.
Il venta grand frais du Sud-Sud-Oueft auSud-Sud-Eft,
&
Projet pour
notre fureté.
& nous louvoyâmes le refte du jour entre Bonao, Kelang.
& Manipa, cherchant à faire du chemin dans le Sud-Oueft.
A dix heures du foir nous eûmes connoiffance des terres
de file Boer.o par des feux qui y étoient allumés , &c
comme mon projet étoit de m’y arrêter, nous paffâmes la
nuit fur les bords pour nous en tenir à portée & au vent, fi
nous pouvions. Je fçavois que les Hollandois avoient fur
cette île un comptoir foible, quoiqu’affez riche en rafraî-
chiffgmens. Dans l’ignorance profonde où nous étions delà
fituation des affaires en Europe, il ne nous convenoit
pas d’en venir hafarder les premières nouvelles chez des
étrangers, qu’en un lieu où nous fuflions à-peu-près les
plus forts.
Ce nefutpasfansd’exeeflifsmouvemens de joie que nous Trifte état des
découvrîmes à la pointe du jour l’entrée du golfe de Cajeli, ®<îlliP3Ses-
C ’eft où les Hollandois ont leur établiffement ; c’étoit le
terme où dévoient finir nos plus grandes miferes. Le fcor-
but avoit fait parmi nous de cruels ravages depuis notre
départ du portPraflin ; perfonne ne pouvoit s’en dire entièrement
exempt, & la moitié de nos équipages étoit hors
d’état de faire aucun travail. Huit jours de plus paffés à
la mer euffent affurément coûté la vie à un grand nombre,
& la fanté à prefque tous. Les vivres qui nous ref-
toient étoient fi pourris & d’une odeur fi cadavéreufe, que
les momens les plus durs de nos triftes journées étoient
ceux où la cloche avertiffoit de prendre ces alimens
dégoûtans & malfains. Combien cette fituation embellif-
foit encore à nos yeux le charmant afpeft des côtes de
Boero / Dès le milieu de la nuit, une odeur agréable, exhalée
des plantes aromatiques dont les îles Moluques font
couvertes, s’étoit fait fentir plufieurs lieues en mer, &
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