V o y a g e
avertiffoient de fuir. Deux jours apres, nous eûmes une
preuve inconteftable que les habitans des îles de l’Océan
Pacifique communiquent entre eux, même à des diftan-
ces confidérables. L ’azur d’un ciel fans nuages laiffoit
étinceler les étoiles ; Aotourou , après les avoir attentivement
confidérées, nous fit remarquer l’étoile brillante, qui
eft dans l’épaule d’Orion, difant que c’étoit fur elle que
nous devions diriger notre courfe, & que dans deux jours
nous trouverions une terre abondante qu il connoiffoit, &
où il avoit des amis ; nous crûmes meme comprendre par
fes gelies qu’il y avoit un enfant. Comme je ne faifois
pas déranger la route du vaiffeau, il me répéta plufieurs
fois qu’on y trouvoit des cocos, des bananes, des poules,
des cochons, & fur-tout des femmes, que, par des geftes
très-exprefîifs, il nous dépeignoit fort complaifantes. Outré
de voir que ces raifons ne me determinoient pas, iî
courut faifir la roue du gouvernail, dont il avoit déjà remarqué
l’ufage, & malgré le timonier, il tâchoit de la
changer, pour nous faire gouverner fur l’étoile qu’il indi-
quoit. On eut allez de peine à le tranquillifer, & ce refus
lui donna beaucoup de chagrin. Le lendemain, dès la pointe
du jour, il monta au haut des mâts & y paffa la matinée „
regardant toujours du côté de cette terre ou il vouloit nous
conduire, comme s’il eût eul’efpérance de Fappercevoir.
Au relie il nous avoit nommé la veille en la langue , fans
héfiter , la plupart des étoiles brillantes que nous lui montrions
; nous avons eu depuis la certitude qu’il connoit parfaitement
les phafes de la lune & les divers prognollics
qui avertilfent fouvent en mer des changemens qu’on doit
avoir dans le-tems. Une de leurs opinions , qu’il nous a