Découvertes
de nouvelles
terres.
large, annoncent une terre baffe ; & quand je vois Dam-
pierre abandonner par notre même latitude de 15 d 3 5 t
la côte occidentale de cette région ingrate où il ne trouve
pas même d’eau douce, j’en conclus que la côte orientale
ne vaut pas mieux. Je penferois volontiers comme lui que
cette terre n’eft qu’un amas d’îles * dont les approches font
défendues par une mer dangereufe, femée d’écueils & de
bas-fonds. Après de pareils éclairciffemens, il y auroit eu
de la témérité à rifquer de s’affaler fur une côte dont on ne
devoit efpérer aucun avantage, & de laquelle on ne pou-
voit fe relever qu’en luttant contre les vents régnans. Nous
n’avions plus de pain que pour deux mois, des légumes
pour quarante jours ; la viande falée étoit en plus grande
quantité , mais elle infeftoit. Nous lui préférions les rats
qu’on pouvoit prendre. Ainfi de toutes façons il étoit tems
de s’élever dans le Nord, en faifant même prendre de l’Eff
,à notre route.
Malheureufement les vents de Sud-Eff nous abandonnèrent
ici, & quand enfuite ils revinrent, ce fut pour nous
mettre dans la fituation la plus critique où nous nous fuf-
fions encore trouvés. Depuis le 7 , la route ne nous avoit
valu que le Nord-quart-Nord-Eft, lorfque le 10 au point
du jour on découvrit la terre depuis l’Eft jufqu’au Nord-
Oueft. Long-tems avant le lever de l’aurore, une odeur
délicieufe nous avoit annoncé le voifinage de cette terre
qui formoit un grand golfe ouvert au Sud-Eff. J’ai peu vu
de pays dont le coup d’oeil fût plus beau. Un terrein bas ,
partagé en plaines & en bofquets, régnoit fur le bord de la
mer, & selevoit enfuite en amphithéâtre jufqu’aux montagnes
dont la cime fe perdoit dans les nues. On en diftin-
guoit trois étages, & la chaîne la plus élevée étoit à plus
de 25 lieues dans l’intérieur du pays. Le trifte état où nous
étions réduits ne nous permettoit, ni de facrifier quelque
tems à lavifite de ce magnifique pays que tout annonçoit
être fertile & riche , ni de chercher en faifant route à
Oueft,un paffage au Sud de la nouvelle Guinee, qui nous
frayât par le golfe de la Carpentarie une route nouvelle &
courte aux îles Moluques. Rien n’étoit à la vérité plus problématique
que l’exiftence de ce paffage ; on croyoit meme
avoir vu la terre s’étendre jufqu’au Oueft-quart-Sud-Oueft.
Il falloir tâcher de fortir , au-plutôt & par le chemin qui
fembloit ouvert, de ce golfe dans lequel nous étions engagés
beaucoup plus même que nous ne le croyions d a-
bord. C ’eft où nous attendoit le vent de Sud-Eff pour mettre
notre patience aux dernieres épreuves.
Toute la journée du 10, le calme nous laiffa à la merci
d’une groffe lame du Sud-Eff qui nous jettoit à terre. A
quatre heures du foir, nous n’étions pas à plus de trois quarts
de lieue d’une petite île baffe, à la pointe orientale de laquelle
eft attachée une bâture qui fe prolonge à deux ou
trois lieues dans l’Eft. Nous parvînmes, vers cinq heures,
à mettre le cap au large, & la nuit fe paffa dans cette inquiétante
fituation, faifant tous nos efforts pour nous elever
à l’aide des moindres brifes. Le 1 x après-midi, nous étions
écartés de la côte environ de quatre lieues ; a deux lieues
la mer y eft fans fond. Plufieurs pirogues voguoient le
long de terre fur laquelle il y eut toujours de grands feux
allumés. Il y a ici de la tortue; nous en trouvâmes les de-
bris d’une dans le ventre d’un requin.
Le x 1, nous relevâmes au foleil couchant les terres les
plus Eft à l’Eft-quart-Nord-Eft 2 d Eft du compas, & les'
plus Oueft à Oueft Nord-Oueft, les unes & les autres en-
K k ij
Situation critique
dans laquelle
nous
nous trouvons.