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çois s’
bliffent
Quoi quil en foit, les îles Malouines jufqu’à nos jours
n’étoient que très-imparfaitement connues. La plupart
des relations nous les dépeignent comme un pays couvert
de bois. Richard Hawkins, qui en avoit approché la côte
feptentrionale, à laquelle il donna le nom de Virginie
d’Hawkins, & qui l’a affez bien décrite, affuroit quelle
étoit peuplée, & prétendoit y avoir vu des feux. Au commencement
du fiecle, le Saint-Louis, navire de Saint-
Malo , mouilla à la côte du Sud-Eft dans une mauvaife
baie, à l’abri de quelques petites îles qu’on appella îles
d’Anican, du nom de l’Armateur ; mais il n’y féjourna que
pour faire de l’eau , & continua fa route fans s embarrafîer
de les reconnoître.
Fran- Cependant leur pofition heureufe pour fervir de relây
eta" che aux vaiffeaux qui vont dans la mer du Sud, & d’échelle
pour la découverte des terres auftrales , avoit
frappé les Navigateurs de toutes les Nations. Au commencement
de l’année 1763 , la Cour de France refolut de
former un établifTement dans ces îles. Je propofai au mi-
niftere de le commencer à mes frais, & fécondé par MM.
de Nerville & d’Arboulin , l’un mon coufin germain &
l’autre mon oncle , je fis fur le champ conftruire & armer
à Saint-Malo, par les foins de M. Duclos Guyot, aujourd’hui
mon fécond, P Aigle de vingt cançms, & le Sphinx
de douze, que je munis de tout ce qui étoit propre pour
une pareille expédition. J’embarquai plufieurs familles
Acadiennes, efpece d’hommes laborieufe , intelligente,
& qui doit être chere à la France par l’inviolable attachement
que lui ont prouvé ces honnêtes & infortunés citoyens.
Le 15 Septembre 1763 , je fis voile de Saint-Malo :
M.
M. de Nerville s’étoit embarqué avec moi fur P Aigle.
Après deux relâches, l’une à l’îie Sainte-Catherine fur la
côte duBréfil, l’autre à Montevideo, où nous prîmes beaucoup
de chevaux & de bêtes à corne, nous attérîmes fur
les îles Sébaldes, le 3 1 Janvier 1764. Je donnai dans un
grand enfoncement que forme la côte des Malouines entre
fa pointe du Nord-Oueft & les Sébaldes ; mais n’y
ayant pas apperçu de bon mouillage, je rangeai la côte
du Nord, & étant parvenu à l’extrémité orientale des îles,
j’entrai le 3 Février dans une grande baie qui me parut
commode pour y former un premier établifTement.
La même illufion qui avoit fait croire à Hawkins, à
Wood Roger & aux autres, que ces îles étoient couvertes
de bois, agit auffi fur mes compagnons de voyage.
Nous vîmes avec furprife en débarquant, que ce que nous
avions pris pour du bois en cinglant le long de la côte, n’é-
toit autre chofe que des touffes de jonc fort élevées & fort
rapprochées les unes des autres. Leur pied, en fe deffé-
chant, reçoit la couleur d’herbe morte jufqu’à une toife
environ de hauteur -, & de-là fort une touffe de joncs d’un
beau verd qui couronne ce pied ; de forte que dans l’éloignement
, les tiges réunies préfentent l’afpeâ d’un bois
de médiocre hauteur. Ces joncs ne croiffent qu’au bord de
la mer & fur les petites îles ; les montagnes de la grande
terre font, dans quelques endroits, couvertes entièrement
de bruyères, qu’on prend aifément de loin pour du taillis.
Les diverfes courfes que j’ordonnai auflxtôt, & que
j entrepris moi-même dans l’îîe, ne nous procurèrent la
decouverte d aucune efpece de bois, ni d’aucune trace
que cette terre eut été jamais fréquentée par quelque na~
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dans ces iies.
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