Abondance
de beftiaux.
fent abondamment toutes les denrees necefîaires à la vie.
J’en excepte le vin, qu’ils font venir d’Efpagne ou qu’ils
tirent de Mendoza, vignoble fitué à deux cents lieues de
Buenos-Aires. Ces environs cultivés ne setendent pas
fort loin ; fi l’on s’éloigne feulement à trois lieues de la
ville, l’on ne trouve plus que des campagnes immenfes ,
abandonnées à une multitude innombrable de chevaux &
de boeufs, qui en font les feuls habitans. A peine, en parcourant
cette vafte contrée , y rencontre-t-on quelques
chaumières éparfes, bâties moins pour rendre le pays habitable,
que pour conftater aux divers particuliers la propriété
du terrein , ou plutôt celle des beftiaux qui le couvrent.
Les voyageurs qui le traverfent, n’ont aucune retraite,
& font obligés de coucher dans les mêmes charrettes
qui les transportent, & qui font les feules voitures
dont on fe ferve ici pour les longues routes. Ceux
qui voyagent à cheval, ce qu’on appelle aller à lalegere,
font le plus fouvent expofés à coucher au bivouac au milieu
des champs.
Tout le pays eft uni, fans montagnes & fans autres bois
que celui des arbres fruitiers. Situé fous le climat de la
plus heureufe température, il feroitun des plus abondans
de l’univers en toutes fortes de productions, s’il étoit cultivé.
Le peu de froment & de maïs qu’on y feme, y rapporte
beaucoup plus que dans nos meilleures terres de
France. Malgré ce cri de la nature, prefque tout eft inculte
, les environs des'habitations comme les terres les
plus éloignées j ou fi le hazard fait rencontrer quelques
cultivateurs, ce font des Negres efclaves. Au refte les
chevaux & les beftiaux font en fi grande abondance dans
ces campagnes, que ceux qui piquent les boeufs attelés
aux charettes, font à cheval, & que les habitans ou les
voyageurs, lorlquils ont faim, tuent un boeuf, en prennent
ce qu’ils peuvent en manger , & abandonnent le
refte , qui devient la proie des chiens fauvages & des tigres
: ce font les feuls animaux dangereux de çe pays.
Les chiens ont été apportés d’Europe ; la facilité de fe
nourrir en pleine campagne leur a fait quitter les habitations,
& ils fe font multipliés à l’infini. Ils fe.rafîemblent
fouvent en troupe pour attaquer un taureau, même un
homme à cheval, s’ils font preffés par la faim. Les tigres
ne font pas en grande quantité, excepté dans les lieux
boifés , & il n’y a que les bords des petites rivières qui le
foient. On connoît l’adreffe des habitans de ces contrées
à fe fervir du lacs ; & il eft certain qu’il y a des Elpa-
gnols qui ne craignent pas de lacer les tigres : il ne l’eft
pas moins que plufieurs finiffent par être la proie de ces
redoutables animaux. J’ai vu à Montevideo une efpece de
chat-tigre , dont le poil allez long eft gris-blanc. L ’animal
eft très-bas fur jambes & peut avoir cinq pieds de longueur
: il eft dangereux, mais fort rare.
Le bois eft très-cher à Buenos-Aires & à Montevideo.
On ne trouve dans les environs que quelques petits bois à
peine propres à brûler. Tout ce qui eft néceffaire pour la
charpente des maifons, la conftruftion & le radoub des
embarcations qui naviguent dans la riviere, vient du Pa-
raguai en radeaux. Il feroit toutefois facile de tirer du
haut pays tous les bois propres à la conftruêlion des plus
grands navires. De Montegratide, où font les plus beaux,
on les tranfporteroit en cajeux par YYbicui dans l’Ura-
guaij & depuis le S alto Chico de l’Uraguai, desbâtimens
faits exprès pour cet ufage, les ameneroient à tel en-
Rareté du
bois : moyens
d’y remédier.