Rencontre
finguliere.
de quatre cents pas, contenoit quatre ruiffeaux. Nous en
prîmes trois pour notre ufage, un deftiné à faire l’eau de
lu Boùdeufe, un fécond pour celle de l’Etoile, le troifieme
pour laver. Le bois fe trouvoit au bord de la mer, & il
y en avoitde plusieurs efpeces, toutes très-bonnes pour
brûler, quelques-unes fuperbes pour les ouvrages de
charpente, de menuiferie, & même de tabletterie. Les
deux vaiffeaux étoient à portée de la voix l’un de l’autre
& de la rive. D’ailleurs le port & fes environs fort au loin
étoient inhabités, ce qui nous procuroit une paix & une
liberté précieufes. Ainfi nous ne pouvions defirer un ancrage
plus sur, un lieu plus commode pour faire l’eau, le
bois, & les diverfes réparations dont les navires avoient
le plus urgent befoin, & pour laiffer errer à leur ’fantaifie
nos fcorbutiques dans les bois.
Tels étoient les avantages de cette relâche j elle avoit
auffi. fes inconvéniens. Malgré les recherches que l’on en
fit, on n’y découvrit ni cocos ni bananes, ni aucune des
reffources qu’on auroit pu, de gré ou de force , tirer d’un
pays habité. Si la pêche n’étoit pas abondante, on ne
devoit attendre ici que la fureté & le ftriéf néceffaire. Il y
avoit alors tout lieu de craindre que nos malades ne s’y
rétablirent pas. A la vérité nous n’en avions pas qui fuf-
fent attaqués fortement, mais plufieurs étoient atteints,
& s’ils n’amendoient point ic i , le progrès du mal ne pou-
voit plus être que rapide.
Le premier jour, fur les bords d’une petite riviere éloignée
de notre camp d’environ un tiers de lieue, on trouva
une pirogue comme en dépôt & deux cabanes. La pirogue
étoit à balancier , fort légère & en bon état. Il y
avoit à côté les débris de plufieurs feux, de gros coquiliages
calcinés & des carcaffes de têtes d’animaux que M. de
Commerçon nous dit être de fângliers. ; Il n y avoit pas
long-tems que les Sauvages étoient venus dans cet endroit
j car on trouva dans les cabanes des figues bananes
encore fraîches. On crut même entendre des cris d hommes
dans les montagnes, mais on a depuis vérifie qu on avoit
pris pour tels le gémifiement de gros ramiers hupés d’un
plumage azur & qu’on nomme dans les Moluques l oifeau
couronné. Nous fîmes au bord de cette riviere une rencontre
plus extraordinaire. Un matelot de mon canot, cherchant
des coquilles , y trouva enterré dans le fable un-
morceau d’une plaque de plomb, fur lequel on lifoit ce
refte de mots Anglois H O R ’ D H E R E
I C K M A J E S T Y ’ S.
On y voyoit encore les traces des clous qui avoient fervi
à attacher rinfcription, laquelle paroiffoit etre peu ancienne.
Les Sauvages avoient fans doute arrache la plaque &
l’avoient mife en morceaux.
Cette rencontre nous engageoit à reconnoitre foigneu-
fement tous les environs de notre mouillage. Auffi courûmes
nous la côte en-dedans de l’île qui couvre la baie ;
nous la fuivîmes environ deux lieues &nous aboutîmes à une
baie profonde , mais peu large, ouverte au Sud-Oueft, au
fond de laquelle nous abordâmes près d’une belle riviere.
Quelques arbres fciés ou abattus à coups de hache, frappèrent
auffitôt nos regards & nous apprirent que c etoit-
là que les Anglois avoient relâché. Enfuite il nous en coûta
peu de recherches pour retrouver le lieu ou avoit ete placée
l’infcription.C’étoit à un très-gros arbre fort apparent fur
la rive droite de la riviere, au milieu d’un 'grand efpace où
nous jugeâmes que les Anglois avoient dreffé des tentes j
M m ij
Traces trouvcaémesp
dem’unen t
Anglois.