le don même de quelques morceaux d’étoffe jettés à la
mer j ne leur infpirerent pas la confiance de nous accofter.
Ils ratnafferent ce qu’on avoit jette, & pour remerciement
l’un d’eux avec une fronde, nous lança une pierre qui ne
vint pas jufqu’à bord ; nous ne voulûmes pas leur rendre le
mal pour le mal, & ils fe retirèrent en frappant tous en-
femble fur leurs canots avec de grands cris. Ils pouffèrent
fans doute les hoftilités plus loin à bord de l’Etoile ; car
nous en vîmes tirer plufieurs coups de fufil qui les mirent
en fuite. Leurs pirogues font longues, étroites & à balancier.
Toutes ont l’avant & l’arriere plus ou moins ornés
de fculptures peintes en rouge, qui font honneur a leur
adreffe.
Le lendemain il en vint un beaucoup plus grand nombre,
qui ne firent aucune difficulté d’accofter le navire.
Celui de leurs condu&eurs quiparoiffoit être le chef, por-
toit un bâton long de deux ou trois pieds, peint en rouge *
avec une pomme à chaque bout. Il l’éleva fur fa tête avec
fes deux mains, en nous approchant, & il demeura quelque
tems dans cette attitude. Tous cesNegres paroiffoient
avoir fait une grande toilette ; les uns avoient la laine
peinte en rouge ; d’autres portoient des aigrettes de plume
fur la tête, d’autres des pendans d’oreilles de certaines
graines,ou de grandes plaques blanches & rondes pendues
au col ; quelques - uns avoient des anneaux paffés dans
les cartilages du nez : mais une parure affez generale à
tous, étoit des bracelets faits avec la bouche d’une groffe
coquille fciée.Nous voulûmes lier commerce avec eux,
pour les engager à nous apporter quelques rafraîchiffe-
mens. Leur mauvaife foi nous fit bientôt voir que nous n’y
réuffirions pas. Ils tâchoient de faifir ce qu’on leur propofoit,
& ne vouloient rien rendre en échange. A peine put-
on tirer d’eux quelques racines d’ignames. On fe laffa de
leur donner, & ils fe retirèrent. Deux canots voguoient
vers la frégate à l’entrée de la nuit, une fufée que Ion
tira pour quelque lignai, les fit fuir .précipitamment.
Au refte, il fembla que les. vifites qu’ils nous.avoient
rendues ces deux derniers jours, n’avoient été que pour
nous reconno'tre & concerter un plan d’attaque. Le 31 on
•vit, dès la pointe du jour, un effain de pirogues fortir de
terre , une partie paffa par notre travers fans s’arrêter, &
toutes dirigèrent leur marche fur l’Etoile, que fans doute
ils avoient obfervé être le plus petit des deux bâtimens, &
fe tenir derrière. Les Negres firent leur attaque à coups
de pierres & de fléchés. Le combat fut court. Une fufil-
lade déconcerta leurs projets, plufieurs fe jetterent à
la mer, & quelques pirogues furent abandonnées : depuis
ce moment nous ceffâmes d’en voir.
Le terres de la nouvelle Bretagne ne couroient maintenant
que fur le Oueft-quart-Nord-Ouefi: & l’Ouefl, &
dans cette partie elles s’abaiffoient confidérablement. Ce
n’étoit plus cette côte élevée & garnie de plufieurs rangs
de montagnes ; la pointe feptentrionale que nous découvrions
étoit une terre prefque noyée & couverte d’arbres
de diftance en diftance. Les cinq premiers jours du mois
d’Août furent pluvieux, le tems fut à Forage & le vent à
grains. Nous n’apperçûmes la côte que par lambeaux,dans
les éclaircis & fans pouvoir en diftinguer les details. Toutefois
nous en vîmes affez pour être convaincus que les marées
continuoient à nous enlever une partie du médiocre
chemin que nous faifions chaque jour. Je fis alors gouverner
au Nord- Oueft, puis au Nord-Oueft-quart-Oueft,
O o
Ils attaquent
l’Etoile.
Defcription
fdeçp telna tripoanratilee
de la nouvelle
Bretagne.
1768.
Août.