Navigation
de Montevideo
à Baragan.
90 u o Vi o. y a § t c
toile' avec les charpentiers1 & calefats de la Boudeufe pour
partir le lendemain & fuivre moi-même une navigation
quonmous difoit être de la plus grande difficultéi. Deux
vaiffeauxde regiftre, le Saint-Fernand & le Carmen, munis
d’un pratique , appareilloient le même jour de Montevideo
pour la Encenada & j’avois compté les fuivre ;
mais le Saint-Fernand, à bord duquel étoit ce pilote
nommé Philippe , appareilla la nuit du 7 au 8, dans la
feule vue de nous dérober fa marche & laiffant fon camarade
dans le même embarras. Nous partîmes toutefois
le 8 au matin précédés par nos canots, lé Carmen
étant refté pour attendre une goélette qui dirigeât fa
route. Le foir nous joignîmes le Saint-Fernand, nous le
dépaffâmes & le 1 o après midi nous mouillâmes dans la
rade de la Encenada, Philippe, auffi mauvais pilote que
méchant homme, ayant toujours gouverné fur nous.
Je trouvai dans cette rade la Vénus, frégate de vingt-
fix canons, & quelques navires marchands deftinés, comme
elle, à faire voile incelTamment pour l’Europe. X’y
trouvai auffi la Smeralda & la Liebe, qui fe difpofoient à
retourner avec des munitions de toute efpece aux îles Ma-
louines, d’où elles dévoient paffer dans la mer du Sud,
pour y prendre les Jéfuites du Chili & du Pérou. Il y
avoit de plus le chambekin FAndalous arrivé du Ferrol à
la fin de Juillet en compagnie d’un autre chambekin nommé
ïAventurera ; mais celui-ci s’étoit perdu fur la tête du
banc aux Anglois, & l’équipage avoir eu le tems de fe
fauver. L ’Andalous fe préparoit à.aller porter des Mif-
fionnaires & des préfens aux habitans de la terre de Feu,
le Roi Catholique voulant leur témoigner fa reconnoif-
fance dès fervices qu’ils avoient rendus aux Efpagnols
a u t o u r -e ue M o n d e . 91
&&-t&vU&^Ghnàpison.'i.lequel e n .1 7% .avoit péri fiir
leurs cAtes. >;-
Je deicendis à Baragan, oîx le Chevalier du Bouchage
avoit .déjà fait- tranlporter une partie des;.bois qui nous
étoient néceflaires. Il les avoit raflemblés avec peine &
à grands frais à Buenos-Aires .dans l’arfenal du Roi &
quelques magafins particuliers, approvifionnés les uns &
les autres pat les-débris des v aideaux.qui font naufrage, dans
la riviere. On lié-trouvoit d’ailleurs .à Baragan aucune éf-
pcce de reffourees , mais bien des . difficultés de plufieurs
genres & tout ce qui peut forcer à n’opérer que lentement.
La Encenada de Baragan n’eft en effet qu’une efpece
de mauvaife baie, formée par l’embouchure d’une
petite rivière qui peut avoir un quart de lieue de largéurj
mais il n’y a de l’eau qu’au milieu, dans un canal étroit &
qui fe comble tous les jours, où peuvent entrer des vaif-
fèaux qui ne tirent que douze pieds : dans? tout le refte
il n’y a pas fix pouces d’eauà marée baffe ; o r , comme
les marées font fort irrégulières dans la riviere de la Pla-
ta, quelles font hautes ou baffes quelquefois huit jours
de fuite félon les vents qui régnent, le débarquement des
chaloupes y effuie les plus grandes difficultés. D ’ailleurs
nuis magafins à terre, quelques maifons ou plutôt des
chaumières conffruites avec des joncs, couvertes de cuir,
difperfées fans ordre fur un fol brut &;habitées par des
hommes qui ont affez de peine à.fe procurer leur fubfï-
ftance. Les bâtimens qui tirent trop d’eau pour pouvoir
entrer dans cette anfe mouillent à la pointe de Lara, à
une lieue &: demie dans TOueft. Ils y font expofés à tous
les vents ; mais la tenue étant fort. bonne r ils y peuvent
hiverner, qiioiqu’avec beaucoup d’incommodités.
M ij
L'Etoile s’y
raccommode.