Danger que
nous y courons.
Vue de la
nnéoeu,velle Guicoup
plus loin dans le Sud-Oueft que nous ne l’avions pu
juger alors.
Nous cherchions, comme je viens de le dire, à la doubler
dans le Sud; mais à l’entrée de la nuit nous y étions
encore engagés, fans fçavoir précifément jufqu’où elle
s’étendoit. Le tems, inceffamment chargé de grains, ne
nous avoit jamais montré dans un même inftant tout ce
que nous devions craindre ; pour furcroit d’embarras, le calme
vint auffitôt que la nuit, & ne finit prefque qu avec elle.
Nous la paffâmes dans 1a. continuelle appréhenfion d’être
jettés fur la côte par les courans. Je fis mettre deux ancres
en mouillage, & allonger leurs bittures fur le pont, précaution
prefque inutile : car on fonda plufieurs fois, fans
trouver le fond. Tel eft un des plus grands dangers de
ces terres : prefque à deux longueurs de navire des récifs
qui les bordent, on n’a point la reflource de mouiller.
Heureufement le tems fe maintint fans orages ; meme vers
minuit, il fe leva une fraîcheur du Nord qui nous fervit à
nous élever un peu dans le Sud-Eft. Le vent fraîchit à me-
fure que le foleil montoit, & il nous retira de ces îles baffes,
que je crois inhabitées; au moins pendant le tems
qu’on s’eft trouvé à portée de les voir, on n’y a diftingueni
feux, ni cabanes, ni pirogues. L’Etoile avoit été dans cette
nuit plus en danger encore que nous; car elle fut très-long-
tems fans gouverner, & la marée l’entraînoit vifiblement
à la côte, lorfque le vent vint à fon aide. A deux heures
après midi nous doublâmes l’îlot le plus occidental, &
nous gouvernâmes à Oueft-Sud-Oueft.
Le u à midi, étant par 2d 17' de latitude auftrale,
nous apperçûmes dans le Sud une côte élevée qui nous
parut être celle de la nouvelle Guinée. Quelques heures
après, on la vit plus clairement. C ’eft une terre haute &
montueufe , qui dans cette partie s’étend fur l’Oueft-Nord-
Oueft. Le 1 2 à midi, nous étions environ à dix lieues des
terres les plus voifines de nous. Il étoit impoffible de détailler
la côte à cette diftance, il nous parut feulement une
grande baie vers 2^ de latitude Sud, & des terres
baffes dans le fond qu’on ne découvroit que du haut des
mâts. Nous jugeâmes auffi par la vîteffe avec laquelle nous
doublions les terres, que les courans nous éroient devenus
favorables ; mais pour apprécier avec quelque jufteffe la
différence qu’ils occafionnoient dans l’eftime de notre
route , il eût fallu cingler moins loin de la côte. Nous
continuâmes à la prolonger à dix ou douze lieues de diftance.
Son giffement étoit toujours fur l’Oueft-Nord-Oueft,
& fa hauteur prodigieufe. Nous y remarquâmes fur-tout
deux pics très-élevés, voifins l’un de l’autre & qui furpaf-
fent en hauteur toutes les autres montagnes. Nous les
avons nommés les deux Cyclopes. Nous eûmes occafion de
remarquer que les marées portoient fur le Nord-Oueft.
Effectivement nous nous trouvâmes le jour fuivant plus
éloignés de la côte de la nouvelle Guinée , qui revient ici
fur l’Oueft. Le 14, au point du jour nous découvrîmes deux
îles & un îlot qui paroiffoit entre deux, mais plus au Sud.
Elles giflent entre elles Eft-Sud-Eft & Oueft-Nord Oueft
corrigés ; elles font à deux lieues de diftance 1 une de
l’autre, de médiocre hauteur, & n’ont pas plus d’une lieue
& demie d’étendue chacune.
Nous avancions peu chaque journée. Depuis que nous Vents&cour
1 • / * rr rans que nous
étions fur la cote de la nouvelle Guinee, nous avions allez reÂent0us.
régulièrement une foible brife d’Eft ou de Nord-Eft, qui