![](./pubData/source/images/pages/page130.jpg)
V O Y A G t
Police intérieure.
216
établi cet ufage de fe peindre ; omnes vero Bntanni fe vitra
inficiunt, quoi coeruleum efficït cdlorem. Le (avant & ingénieux
Auteur des recherches philofophiques fur les Américains
donne pour caufe à cet ufage général le befoin où
on eft dans les pays incultes de fe garantir ainfi de la pi-
quure des infeéies cauftiques qui s’y multiplient au-delà
de l’imagination. Cette caufe n’exifte point àTaiti,puifque,
comme nous l’avons dit plus haut, on y eft exempt de ces
infeêles infupportables. L’ufage de fe peindre y eft donc
une mode comme à Paris. Un autre ufage de Taiti, commun
aux hommes & aux femmes, c’eft de fe percer les
oreilles & d’y porter des perles ou des fleurs de toute ef-
pece. La plus grande propreté embellit encore ce peuple
aimable. Ils fe baignent fans ceffe & jamais ils ne mangent
ni ne boivent fans fe laver avant & après.
Le caraéiere de la nation nous, a paru être doux& bien-
faifant. Il ne femble pas qu’il y ait dans Pile aucune guerre
civile, aucune haine particulière, quoique le pays foit di-
vifé en petits cantons qui ont chacun leur Seigneur indépendant.
II eft probable que les Taitiens pratiquent entre
eux une bonne foi dont ils ne doutent point. Qu’ils foient
chez eux ou non, jour ou nuit, les maifons font ouvertes.
Chacun cueille les fruits fur le premier arbre qu’il rencontre
, en prend dans la maifon où il entre. Ilparoîtroitque
pour les chofes , abfolument néceffaires à la v ie , il n’y a
point de propriété & que tout eft à tous. Vis-à-vis de nous
ils étoient filoux habiles, mais d’une timidité qui les fai-
foit fuir à la moindre menace. Au refte on a vu que les
chefs n’approuvoient point ces vols, qu’ils nous preffoient
au contraire de tuer ceux qui les commettoient. Ereti cependant
n’ufoit point de cette févérité qu’il nous recommandoit.
A U T O U R D U M o N D E. 217
mandoit. Lui dénoncions-nous quelque voleur, il le pour-
fuivoit lui-même à toutes jambes* l’homme fuyoit, & s’il
étoit joint, ce qui arrivoit ordinairement, car Ereti étoit
infatigable à la courfe , quelques coups de bâton & une
reftitution forcée étoient le feul châtiment du coupable.
Je ne croyois pas même qu’ils connuffent de punition plus
forte , attendu que quand ils voyoient mettre quelqu’un
de nos gens aux fers, ils en témoignoient une peine fenfi-
ble* mais j’ai fu depuis, à n’en pas douter, qu’ils ont l’u-
fage de pendre les voleurs à des arbres 3 ainft qu’on le pratique
dans nos armées.
Us font prefque toujours en guerre avec les habitans des
îles voifines. Nous avons vu les grandes pirogues qui leur
fervent pour les defcentes & même pour des combats de
mer. Us ont pour armes l’arc, la fronde, &: une efpece de
pique d’un bois fort dur. La guerre fe fait chez eux d’une
maniéré cruelle. Suivant ce que nous a appris Aotourou,
ils tuent les hommes & les enfans mâles pris dans les combats
; ils leur lèvent la peau du menton avec la barbe ,
qu’ils portent comme un trophée de viétoire ; ils confer-
vent feulement les femmes & les filles, que les vainqueurs
ne dédaignent pas d’admettre dans leur lit ; Aotourou lui-
même eft le fils d’un chef Taitien & d’une captive de l’île
de Oopoa, île voifine, & fouvent ennemie deTaiti. J’attribue
à ce mélange la différence que nous avons remarquée
dans l ’efpeçe des hommes. J’ignore au refte comment
ils panfent leurs bleffures : nos Chirurgiens en ont
admiré les cicatrices.
J’expoferai à la fin de ce chapitre ce que j’ai pu entrevoir
fur la forme de leur gouvernement, fur l’étendue du
pouvoir qu’ont leurs petits fouverains, fur l’efpece de dif-
E e
Ils font en
guerre avec
les îles voifi-
nés.
|a £ j|