Décembre.
Départ de
Breft.
Horn. J’avois éprouvé dans le coup de vent , qu’il faifoit
de l ’eau par tous fes hauts, & je devois m’attendre au
rifque d’avoir une partie de mon bifcuit pourrie par l’eau
qui, pendant le mauvais tems, s’introduiroit infailliblement
dans les foutes ; inconvénient dont les fuites feroient
fans reffource dans le voyage que nous entreprenions. Je
demandai donc qu’il me fût permis de renvoyer la Bou-
deufe des îles Malouines en France , fous les ordres du
Chevalier Bournand, Lieutenant de vaiffeauj & de continuer
le voyage avec la feule flûte l’Etoile, dans le cas
oû les longues nuits de l’hiver m’interdiroientle paffage du
détroit de Magellan. J’obtins cette permiffton , & le 4
Décembre, notre mâture étant réparée, l’artillerie changée,
la frégate entièrement récalfatée dans fes hauts, je
fortis du port & vins mouiller en rade, où nous paffames
la journée à embarquer les poudres & rider les haut-
bans.
Le 5 à midi nous appareillâmes de la rade de Bref!:. Je
fus obligé de couper mon cable, le vent d’ Eft très-frais &
le juffant empêchant de virer à pic , & me faifant appréhender
d’abattre trop près de la côte. Mon Etat major
étoit compofé de onze Officiers, trois volontaires, & l’équipage
de deux cens trois matelots, Officiers mariniers,
foldats, mouffes & domeftiques. M. le Prince de Naffau
Sieghen avoit obtenu du Roi la permiffion de faire cette
campagne. A quatre heures après midi, le milieu de l’ile
d’Oueffant me reftoit au Nord-quart-Nord-Eft du compas,
& ce fut d’où je pris mon point de départ.
Pendant les premiers jours, nous eûmes affez conftam-
tnent les vents d’Oueft-Nord-Oueft au Oueft-Sud-Oueft
& Sud-Oueft, grand frais. Le 17 après midi, on eut connoiffance
des Salvages, le 18 de l ’ile de P aime, & le 1 9 de
l’ile deFer. Ce qu’on nomme les Salvages, eft une petite
île d’environ une lieue d’étendue de l’Eft à l’Oueift % elle
eft baffe au milieu, mais à chaque extrémité s’élève un
petit mondrain ; une chaîne de roches, dont quelques-
unes paroiffent au-deffus de l’eau, s’étendent du côté de
l’Oucft à deux lieues de l’île : il y a auffi du côté de l’Eft
quelques brifans , mais qui ne s’en écartent pas beaucoup.
La vue de cet écueil nous avoit avertis d’une grande
erreur dans notre route ; mais je ne voulus l ’apprécier
qu’après avoir eu connoiffance des îles Canaries, dont la
pofition eft exaéfement déterminée. La vue de l’île de
Fer me donna avec certitude cette correéîion que j’atten-
dois. Le 19 à midi j’obfervai la latitude, & en la faifant
cadrer avec le relèvement de l’île de Fer , pris à cette
même heure, je trouvai une différence de quatre degrés
fept minutes dont j’étois plus Eft que mon eftime. Cette
erreur eft fréquente dans la traverfée du cap Finiftere
aux Canaries, & je l’avois éprouvée en d’autres voyages :
les courans, par le travers du détroit de Gibraltar, portant à
l’Eft avec rapidité.
J’eus en même tems occafion de remarquer que les
Salvages font mal placés fur la carte de M. Bellin. En
effet, lorfque nous en eûmes connoiffance le 17 après
midi, la longitude que nous donnoit leur relèvement,
différoit de notre eftime de trois degrés dix-fept minutes
à l’Eft. Cependant cette même différence s’eft trouvée, le
19, de quatre degrés fept minutes, en corrigeant notre
point fur le relèvement d e l’île de Fer, dontla longitude
eft déterminée par des obfervations aftronomiques. Il eft
Defcription
des Salvages.
Erreur dans
l’eftime de la
route.
Pofition des
Salvages rectifiée.