Defcente à
terre.
Vifite au chef
du canton.
C H A P I T R E I I.
Sq'oîir dans Tile~T'aiù ; détaildu bien & du mal qui nous y
arrivent,
^ 3 N a vu les obftacles qu’il avait fallu vaincre pbur parvenir
à- mouiller nos ancres j Iorfquenous fûmes amarrés, je
defcendisàterre avec plufieürs Officiers, afin -dé reconnoî-
tre TAiguade. Nous y fûmes reçus par une foule immenfe
d’hommes & de femmes qui ne fe laffoient point de nous
confidérer ; les plus hardis venoient nous toucher, ils écar-
•toient même nos vêtemens, comme pour vérifier fi nous
étions abfolument faits comme eux ; aucun ne portoit d’armes,
pas même de bâtons. Ils ne favoieht comment exprimer
leur joie de nous recevoir. Le chef de ce canton
nous conduifit dans fa maifon & nous y introduifit. Il y
avoit dedans cinq ou fix femmes & un vieillard vénérable;
Les femmes nous faluerent en portant la main fur la poitrine
, & criant plufieurs fois tayo. Le vieillard étoit pere
de notre hôte. Il n’avoit du grand âge que ce caraélere
refpeftable qu’impriment les ans fur une belle figure. Sa
tête ornée de cheveux blancs & d’une longue barbe, tout
fon corps nerveux & rempli, ne rnontroient aucune ride,
aucun ligne de décrépitude. Cet homme vénérable parut
s’appercevoir à peine de notre arrivée j il fe retira même
fans répondre à nos careffes, fans témoigner ni frayeur ,
ni étonnement, ni curiofité ; fort éloigné de prendre part
à l’efpece d’extafe que notre vûe caufoit à tout ce peuple ,
fon air rêveur & foucieux, fembloit annoncer qu’il crai-
gnoit que ces jours heureux, écoulés pour lui dans le fein du
repos,
repos, ne fuffent troublés par l’arrivée d’une nouvelle
race.
O n nous laifla la liberté de confidérer l’intérieur de la
maifon. Elle n’avoit aucun meuble, aucun ornement qui
la diftinguât des cafés ordinaires, que fa grandeur. Elle pou-
voit avoir quatre-vingts pieds de long fur vingt pieds de
large. Nous y remarquâmes un cylindre d’ofier, long de
trois ou quatre pieds & garni de plumes noires, lequel
étoit fufpendu au toit, & deux figures de bois que nous
prîmes pour des idoles. L’une , c’étoit le Dieu , étoit de
bout contre un des piliers : la Déeffe étoit vis-à-vis inclinée
le long du mur, quelle furpaffoit en hauteur, & attachée
aux rofeaux qui le forment. Ces figures malfaites & fans
proportions a<voient environ trois pieds de haut, mais elles
tenoient à un piedeftal cylindrique , vuidé dans l’intérieur,
& fculpté à jour. Il étoit fait en forme de tour, &
pouvoit avoir fix à fept pieds de hauteur, fur environ un
pied de diamètre $ le tout étoit d’un bois noir fort dur.
Le chef nous propofa enfuite de nous affeoir fur l’herbe
au-dehors de fa maifon, où il fit apporter des fruits, du
poiffon grillé & de l’eau ; pendant le repas, il envoya chercher
quelques pièces d’étoffes, & deux grands colliers
faits d’ozier & recouverts de plumes noires & de dents de
requins. Leur forme ne reffemble pas mal à celle de ces
fraifes immenfes qu’on portoit du tems de François L II
en paffa un au col du Chevalier d’Oraifon, l’autre au
mien , & diftribua les étoffes. Nous étions prêts à retourner
à bord, lorfque le Chevalier de Suzannet s’apperçut
qu’il lui manquoit un piffolet, qu’on avoit adroitement
volé dans fa poche. Nous le fîmes entendre au chef qui,
fur le champ, voulut fouiller tous les gens qui nous envi-
B b
Defcription
de fa mailon.
qu’iRl néocueps tfiaoitn.