tous demandoient des clous & despendans d’oreilles. Les
pirogues étoient remplies de femmes qui ne le cedent pas
pour l’agrément de la figure au plus grand nombre des
Européennes, & qui, pour la beaute du corps, pourroient
le difputer à toutes avec avantage. La plûpart de ces nymphes
étoient nues, car les hommes & les vieilles, qui les
accompagnoient, leur avoient ôté la pagne dont ordinairement
elles s’enveloppent. Elles nous firent dabord, de
leurs pirogues , des agaceries où, malgré leur naïveté, on
découvroit quelque embarras -, foit que la nature ait partout
embelli le fexe d’une timidité ingénue,foit que, meme
dans les pays où régné encore la franchife de l’âge d or ,
les femmes paroiffent ne pas vouloir ce qu’elles défirent
le plus. Les hommes, plus fimples ou plus libres,
s’énoncèrent bientôt clairement. Ils nous preftbient de
choifir une femme, de la fuivre à terre, & leurs geftes
non équivoques démontroient la maniéré dont il fal-
loit faire connoiflance avec elle. Je le demande ; comment
retenir au travail, au milieu d’un fpeêiacle pareil,
quatre cents François, jeunes, marins, & qui depuis, fi.x
mois n’avoient point vu de femmes ? Maigre toutes les, précautions
que nous pûmes prendre , il entrai à bord une
jeune fille qui vint fur le gaillard d’arriere fe placer'à une
des écoutilles qui font au*deffus du cabeftan j cette écoutille
étoit ouverte pour donher de l’air à ceux qui viroient.
La jeune fille laifla tomber négligemment une pagne qui
la couvroit & parut aux yeux de tous, telle que Vénus fe
fit voir au berger Phrygien. Elle en avoit la forme çéleite-
Matelots & foldats s’empreffoient pour parvenir à l’écoutille,
& jamais cabeftan ne fut viré avec une pareille activité.
Nos foins réuffirent cependant à contenir ces hommes
enforcelés, le moins difficile n’avoit pas été de parvenir àfe
contenir foi-même. Un feul François, mon cuifinier , qui
malgré les défenfes avoit trouvé le moyen de s’échapper,
nous revint bientôt plus mort que vif. A peine eut-il mis
pied à terre, avec la belle qu’il avoit choifie , qu’il fe vit
entouré par une foule d’indiens qui le déshabillèrent dans
un inftant, & le mirent nud de la tête aux pieds. Il fe crut
perdu mille fois, ne fçachant où aboutiroient les exclamations
de ce peuple, qui examinoit en tumulte toutes les
parties de foti corps. Après l’avoir bien confidéré , ils lui
rendirent fes habits , remirent dans fes poches tout ce qu’ils
en avoient tiré , & firent approcher la fille en le preflant
de contenter les defirs qui l’avoient amené à terre avec
elle. Ce fut en vain. Il fallut que les Infulaires ramenaffent
à bord le pauvre cuifinier , qui me dit que j’aurois beau le
réprimander, que je ne lui ferois jamais autant de peur
qu’il venoit d’en avoir à terre.
VAI» tv ïâ