V o y a g e
C H A P I T R E VI .
Départ de Rio-Janeiro ; fécond voyage a Montevideo; avaries
quy reçoit l’Etoile.
1767.
Juillet.
Départ de
Rio-Janéiro.
Eclipfe de
Soleil.
J_j£ 14 Juillet nous-appareillâmes de Rio-Janéiro & fûmes
contraints, le vent nous manquant, de remouiller
dans la rade.'Nous fouîmes le 15 ; & , deux jours après,
l’avantage de marche que la frégate avoir fur l’Etoile, me
mit dans le cas de dégréer les mâts de perroquet, nos
mâts majeurs exigeant beaucoup de ménagement. Les
vents furent yariables , grand frais & la mer très-groffe ;
la nuit du 19 au 20, nous perdîmes notre grand hunier,
emporté fur fes cargues. Le 2 5 il y eut une éclipfe de fo-
leil vifible pour nous. J’avois pris à mon bord M. Verron,
jeune obfervateur venu de France fur l’Etoile, pour s’occuper
dans le voyage des méthodes propres à calculer en
mer la longitude. Suivant le point eftimé du vaiffeau , le
moment de l’immerfion , calculé par cet Aflronome, de-
voit être pour nous le 25 à quatre heures dix-neuf minutes
du foir. A quatre heures fix minutes, un nuage nous déroba
la vue du foleil, & iorfque nous le revîmes à quatre
heures trente-une minutes, il y en avoit alors environ un
doigt & demi d’éclipfé. Les nuages qui pafferent enfuite
fucceffivement fur le foleil, ne nous le laifferent apperce-
voir que pendant des intervalles très-courts ; de forte que
nous ne pûmes obferver aucune des phafes de 1 eclipfe ,
ni par conféquent en conclure notre longitude. Le foleil
fe couchoit pour nous avant le moment de la conjonction
apparente, & nous eftimâmes que celui de lim-
merfion avoit été à quatre heures vingt-trois minutes.
A U T O U R D U M O N D E. 187
Le 26 nous commençâmes à trouver le fond , & le 28
au matin nous eûmes connoiffance des Caftilles. Cette
partie de la côte eff d’une hauteur médiocre & s’apper-
çoitde dix à dtiuze lieues. Nous crûmes reconnoître l’entrée
d’une baie qui. efl vraifemblablement le mouillage
où les Efpagnols ont un fort, mouillage qu’ils m’ont dit
être fort mauvais. Le 29 nous entrâmes dans la riviere de
la Plata & vîmes les Maldonades. Nous avançâmes peu
cette journée .& la fuivante. Nous paffâmes en calme
prefque toute la nuit du 30 au 31 , fondant fans cefTe.
Les courans paroiffoient nous entraîner dans le Nord-
Oued , où nous refloit à-peu-près l’îleLobos. A une heure
St demie après minuit, la fonde ayant donné trente-trois
braffes, je jugeai être très-près de cette île , & je fis Je
f gnal de mouiller. Nous appareillâmes à trois heures &
demie & vîmes l’île de Lobos dans le Nord-Eft, environ
à deux lieues & demie. Le vent de Sud & de Sud-Eft,
foible d’abord, renforça dans la matinée & nous mouillâmes
le 31 après midi dans la baie de Montevideo. L ’Etoile
nous avoit fait perdre beaucoup de chemin, parce qu’outre
l’avantage de marche que nous confervions fur elle , cette
flûte qui, au fortir de Rio-Janéiro , faifoit quatre pouces
d eau toutes les deux heures, après quelques jours de navigation
en fit fept pouces dans le même intervalle de
tems 5 ce qui ne lui permettoit pas de forcer de voiles.
A peine fûmes-nous mouillés, qu’un Officier venu à
bord de la part du Gouverneur de Monte vidéo pour nous
complimenter fur notre arrivée, nous apprit qu’on avoit
reçu des ordres d’Efpagne pour arrêter tous les Jéfuites
& fe faifir de leurs biens ; que le même bâtiment porteur
de ces depeches, avoit amene quarante Peres delà corn-
Entrée dans
la riviere delà
Plata.
lâcSheec oàn Mdeo rnetevideo.