& à fix heures & demie nous mouillâmes en-dehors dans
la baie nommée baie de Button fous le polie Hollandois.
Reprenons la defcription de la paffe. Quand on vient
du Nord, elle ne commence à s’ouvrir que lorfqu’on en
eft environ à un mille. Le premier objet qui frappe du
côté de Button, eft une roche détachée & minée par-
deffous, laquelle préfente exaftement l’image d’une galère
tentée, dont la moitié de l’éperon feroit emportée ;
les arbultes qui la couvrent, produifent l’effet de la tente;
de baffe mer, la galere tient à la baie : lorfque la mer eft
haute , c’eft' un îlot. La terre de Button , médiocrement
élevée dans cette partie , y eft couverte de maifons & le
rivage enclos de pêcheries. L’autre côté de la paffe eft
coupé à pic. Sa pointe eft reconnoiffable par deux entailles
qui forment deux étages dans le rocher. Lorfqu’on
a dépaffé la galere, les terres des deux bords font
entièrement efcarpées, pendantes même en quelques endroits
fur le canal. On croiroit que le dieu de la mer ,
d’un coup de fon trident, y ouvrit un paffage à fes eaux
amoncelées. Les côtes cependant offrent un afpeft riant.
Celle de Button eft cultivée en amphithéâtre & garnie de
cafés dans tous les endroits qui ne font point affez rapides
pour qu’un homme ne puiffepas y arriver. Celle de Pangafa-
ni qui n’eft qu’une roche prefque vive, eft toutefois couverte
d’arbres; mais on n’y voit que deux ou trois habitations.
A un mille & demi ou deux milles au Nord de la paffe,
plus près de Button que de Pangafani, on trouve 20, 18,
1 5 , 12 & 10 braffes, fond de vaze ; à mefure qu’on fait
le Sud, avançant en canal, le fond change, on trouve du
fable & du corail par diverfes profondeurs, depuis 3 5 juf-
qu’à 12 braffes, enfuite on perd le fond.
Le paffage peut avoir une demi-lieue de longueur ; fa Avis fur cet-
largeur varie depuis environ cent cinquante jufqu’à quatre te navisatl0n-
cents toifes, eftime jugée au coup-d’oeil; le canal va en fer-
pentant &du côté de Pangafani, environ aux deux tiers de
fa longueur , il y a une pêcherie qui avertit de défendre ce
côté & de hanter celui de Button. En général il faut, autant
qu’il eft poflible, tenir le milieu du goulet. Il convient
aufîi, à moins d’un vent favorable affez frais, d’avoir fes
bateaux devant foi,'pour fe tenir bien gouvernant dans
les finuofités du canal. Au refte, le courant y eft affez fort
pour le faire paffer d’un tems calme, même d’un foible
vent contraire; il ne l’eft pas affez pour vaincre un vent
ennemi qui feroit frais, & permettre alors de paffer en cajolant
fous les huniers. En débouquant de la paffe, les
terres de Button, plufieurs îles qui en font dans le Sud-
Oueft, & les terres de Pangafani préfentent l’afpeél d’un
grand golfe. Le meilleur mouillage y eft vis-à-vis le comptoir
Hollandois à environ un mille de terre.
Notre pilote Buttonien nous avoit aidé de fes lumières,
autant qu’un homme qui connoît le local & n’entend rien
à la manoeuvre de nos vaiffeaux, le pouvoit faire. Il avoit
la plus grande attention à nous avertir des dangers, des
bancs, des mouillages. Seulement il vouloit que nous miff
(ions toujours le cap droit où nous avions affaire, il ne tenoit
compte de notre maniéré de ferrer le vent, pour le ménager
& s’en affurer. Il penfoit aufli que nous tirions 8 ou 10
braffes d’eau. Dans la matinée, il nous étoit venu à bord
un autre Indien, vieillard fort inftruit, que nous crûmes le
pere du pilote. Ils refterent avec nous jufqu’au foir, & je
les renvoyai dans un de mes canots. Leur habitation eft
voifine du comptoir Hollandois. Ils ne voulurent abfolu-
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