1767-,
Juin.
Départ des
Malouines
pour Rio-Ja-
néiro.
Entrée à Rio-
Janéiro.
C H A P I T R E V.
Navigation des îles Malouines à Rio-Janeiro ; jonclion de la
Boudeufe avec l’Etoile ; hojlilitès des Portugais contre les
Espagnols. Etat des revenus que le Roi de Portugal tire
de Rio-Janéiro.
C E p ENDA N T j’attendois vainement l’Etoile aux îles
Malouines : les mois de Mars 8c d’Avril s etoient écoulés
fans que cette flûte y fut venue. Je ne pouvois entreprendre
de traverfer l’Océan pacifique avec ma feule frégate,
fon peu de creux la rendant incapable de porter pour plus
de fix mois de vivres à fon équipage. J’attendis encore la
flûte pendant tout Mai. Voyant alors qu’il ne me refloit
plus de vivres que pour deux mois, j appareillai des îles
Malouines le 2 Juin, pour me rendre à Rio-Janéiro; j y
avois indiqué à M. de laGiraudais, Commandant de HE~
toile, un point de réunion, dans le cas où des circonfian-
ces forcées l’empêcheroient de venir me trouver aux îles
Malouines. •
Nous eûmes dans cette traverfée un tems favorable 5 le
20 Juin après-midi, nous vîmes les hauts mornes delà côte
du Bréfil, & le 21 , nous reconnûmes l’entrée de Rio-Ja-
néiro. 11 y avoir le long de la côte plufieurs bateaux pêcheurs.
Je fis mettre pavillon Portugais ferlé, 8c tirer un
coup de canon : fur ce lignai, l’un des bateaux vint à bord,
8c j’y pris un pilote, pour nous entrer dans la rade. Il nous
fit ranger la côte à une demi-lieue des îles dont elle efl:
bordée. Par-tout il y a beaucoup de fonds j la côte efl: élevée
, montueufe 8c couverte de bois ; elle efl coupée en
mondrains détachés 8c taillés à pic qui en rendent l’afpeét
très-varié. A cinq heures 8c demie du foir, nous étions
en-dedans du fort Sainte-Croix, lequel nous héla, 8c en
même tenfs il vint à bord un Officier Portugais nous demander
les raifons de notre entrée. J’envoyai avec lui le
Chevalier de Bournand pour en informer le Comte d’A -
cunha, Viceroi du Bréfil, 8c traiter du falut. A fept heures
8c demi nous mouillâmes dans la rade par huit brafles
d’eau, fond de vafe noire.
Le Chevalier de Bournand revint bientôt après, 8c me
dit qu’au fujet du falut, le Comte d’Acunha lui avoit répondu
que lorfque quelqu’un, en rencontrant un autre dans
la rue, lui ôtoit fon chapeau, il ne s’informoit pas auparavant
fi cette politefle feroit rendue ou non ; que fi nous fa-
luions la place , il verroit ce qu’il aurolt à faire. Comme
cette réponfe n’en étoit pas une, je ne faluai point. J’appris
en même tems, par un canot que m’envoya M. de la
Giraudais, qu’il étoit dans ce port, que fon départ de Ro-
chefort, lequel devoit être à la fin de Décembre, avoit
été retardé jufqu’au commencement de Février, qu’après
trois mois de navigation, une voie d’eau 8c le mauvais état
de fa mâture l’avoient contraint de relâcher à Montevideo,
où il avoit reçu, par les frégates Efpagnoles, revenant des
Malouines, les inftruélions fur ma marche ; 8c qu’auffitôt
il avoit mis à la voile pour Rio-Janéiro, où il étoit mouillé
depuis fix jours. Cette jonéfion me donnoit le moyen de
continuer ma million ; quoique l’Etoile, en m’apportant
pour treize mois de vivres en falaifons 8c boifîbns, eût à
peine pour cinquante jours de pain 8c de légumes à me remettre.
Le défaut de ces denrées indilpenfables, me for-
çoit de retourner en chercher dans la riviere de la Plata,
K i j
Difcuffion
pour le falut.
Jon&ioncvec
l’Etoile.