2,5 V o y a g é
ces Oueft; aufli quand, le 29 Janvier au foir, on vît la
terre, j’eftimois à midi quelle me refioità douze ou quinze
lieues de diftance, ce qui me fit naître la réflexion fui-
vante.
Un grand nombre de navigateurs fe font plaints, depuis
longtems, & fo plaignent encore que les Cartes, fur-tout
celles de M. Bellin, marquent les- côtes du Bréfil beaucoup
trop à l’Eft. Ils fe fondent fur ce que-, dans leurs différentes
traverfées, ils ont fouvent apperçu ces côtes,
lorfqu’ils croyoient en être encore à quatre-vingts ou cent
lieues. Ils ajoutent qu’ils ont éprouvé plufieurs fois que dans
ces parages, les courans les avoient portés dans le Sud-
Ouefi : & ils aiment mieux taxer d’erreur les obfervations
aftronomiques & les Cartes, que d’en croire fufceptible
l’eftime de leur route.
Nous aurions pu, d’après un pareil raifonnement, conclure
le contraire dans notre traverfée à la riviere dé la
Plata, fi un heureux hazard ne nous eût indiqué la raifon
des différences Nord que nous éprouvions. Il étoit évident
que le banc de frai de poiffons, que nous rencontrâmes
le 29 , étoit fournis à la' direttion d’un courant : &
fon éloignement des côtes prouvoit que ce courant régrioit
depuis plufieurs jours. Il étoit donc la caufe des erreurs
confiantes de notre route ; les coürans, que les Navigateurs
ont fouvent éprouvé porter au Sud-Ouefi dans ces
parages, font donc fujets à des variations, & prennent
quelquefois une direèfion contraire.
Sur cette obfervation bien conftatée , comme notre
route étoit à-peu-près le Sud-Ouefi, jê fus autorifé à corriger
nos erreurs fur la diftance, en la faifant cadrer avec
fobfervation de latitude, & à ne pas corriger l’air de vent.