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Expulfion des
Jéfuites de la
province de
la Plata.
Mefures pri-
fpeasr àl ac e Cfuojuert
d’Elpagne..
Mefttres priées
par le Gouverneur
général
de la
Province.
V o y a g e
me une efpece d’hommes qui ne pouvoit jamais atteindre
qu’à l’intelligence des enfans -, la vie qu'ils menoient em-
pêchoit ces grands enfans d’avoir la gaieté des petits.
La Compagnie s’occupoit du foin d’étendre les
•millions, lorfque le contrecoup d’événemens pafles en
Europe , vint renverfer dans le nouveau monde l’ouvrage
de tant d’années & de patience. La Cour d’Ef-
pagne ayant pris la réfolution de chaffer les Jéfuites, voulut
que cette opération fe fît en même tems dans toute
l’étendue de fes vaftes domaines. Cevallo's fut rappellé de
Buenos-Aires, & Don Francifco Bukarely nommé pour
le remplacer. Il partit inilruit de la befogne à laquelle on
le deftinoit, & prévenu d’en différer l’exécution jufqu’à
de nouveaux ordres qu’il ne tarderoit pas à recevoir. Le
Confeffeur du R o i, le Comte d’Aranda & quelques Minières
étoient les feuls auxquels fut confié le fecret de
cette affaire. Bukarely fit fon entrée à Buenos-Aires au
commencement de 1767.
Lorfque Don Pedro Cevallos fut arrivé en Efpagne,
on expédia au Marquis de Bukarely un paquebot chargé
des ordres tant pour cette province que pour le Chili, où
ce Général devoit les faire paffer par terre. Ce bâtiment
arriva dans la riviere de la Plata au mois de Juin 1767,8c
le Gouverneur dépêcha fur-le-champ deux Officiers, l’un
âu Viceroi du Pérou, l’autre au Préfident de l’Audience
du Chili, avec les paquets de la Cour qui les concernoient.
Il fongea enfuite à répartir fes ordres dans les différens
lieux de fa province où il y avoit des Jéfuites, tels que
Cordoue, Mendoze, Corientes, Santa-Fé, Salta, Montevideo
& le Paragüai. Comme il craignit que, parmi les
Commandans de ces divers endroits, quelques-uns n’a-
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giflent pas avec la ,promptitude, le fecret & l’exaélitude
que la Cour défiroit, il leur enjoignit, en leur adreffant
fes ordres, de ne les ouvrir que le * * * jour qu’il fixoit
pour l’exécution, & de ne le faire qu’en préfence de
quelques perfonnes qu’il nommoit ; gens qui occupoient
dans les mêmes lieux les premiers emplois éccléfiafliques
& civils. Cordoue fur-tout l’intéreffoit. C ’étoit dans ces
provinces la principale maifon des Jéfuites 8c la réfidence
habituelle du Provincial. C ’eft-là qu’ils formoient & qu’ils
inffruifoient dans la langue 8c les ufages du pays les fuje.ts
dêffinés aux miffions 8c à devenir chefs des peuplades ;
on y devoit trouver leurs papiers les plus importans. M.
de Bukarely fe réfolut à y envoyer un Officier de confiance
qu’il nomma Lieutenant de Roi de cette place,
& que , fous ce pretexte, il fit accompagner d’un détachement
de troupes.
Il refloit à pourvoir à l’exécution des ordres du Roi dans
les miffions, 8c c’étoit le point critique. Faire arrêter les
Jéfuites au milieu des peuplades, on ne favoit pas fi les
Indiens voudroient le fouffrir, 8c il eût fallu foutenir cette
exécution violente par un corps de troupes affez nombreux
pour parer à tout événement. D’ailleurs n’étoit-il
pas indifpenfable, avant que de fonger à en retirer les Jéfuites,
d’avoir une autre forme de Gouvernement prête à
fubffituer au leur, & d’y prévenir ainfi les défordres de
l’anarchie ? Le Gouverneur fe détermina à temporifer 8c
fe contenta pour le moment d’écrire dans les miffions, qu’on
lui envoyât fur le champ le Corrégidor 8c un Cacique de
chaque peuplade, pour leur communiquer des lettres du
Roi. Il expédia cet ordre avec la plus grande célérité,
afin que les Indiens fuffent en chemin 8c hors, des réduc’