tion, lui vint montrer un oeil auquel il avoit un mal fort
apparent, & lui demander par ligne de lui indiquer une
plante qui le pût guérir. Ils ont donc une idée & un ufage
de cette Médecine qui connoît les {impies & les applique
à la guérifon des hommes. C ’étoit celle deMacaon,le
Médecin des Dieux ; & Ton trouveroit plulieurs Macaons
chez les Sauvages du Canada.
Nous échangeâmes quelques bagatelles précieufes à
leurs yeux contre des peaux de guanaques & de vigognes.
Ils nous demandèrent par lignes du tabac à fumer, & le
rouge fembloit les charmer : aulîi-tôt qu’ils appercevoient
fur nous quelque chofe de cette couleur, ils venoient y
palfer la main deffus & témoignoient en avoir grande envie.
Au relie à chaque chofe qu’on leur donnoit, à chaque
careffe qu’on leurfaifoit, le chaoua recommençoit,
c’étoient des cris à étourdir. On s’avifa de leur faire boire
de l’eau-de-vie, en ne leur en lailfant prendre qu’une gorgée
à chacun. Dès qu’ils l’avoient avalee, ils fe frappoient
avec la main fur la gorge & pouffoient en fouillant un fon
tremblant & inarticulé qu’ils terminoient par un roulement
avec les levres. Tous firent la même cérémonie qui nous
donna un fpeclacle alfez bizarre.
Cependant le jour s’avançoit & il étoit tems de fonger
à retourner à bord. Dès qu’ils virent que nous nous y dif-
pofions , ils en parurent fâchés ; ils nous faifoient ligne
d’attendre & qu’il alloit encore venir des leurs. Nous leur
fîmes entendre que nous reviendrions le lendemain, &
que nous leur apporterions ce qu’ils defiroient : il nous fem-
bla qu’ils euffent mieux aimé que nous couchaffions à
terre. Lorfqu’ils virent que nous partions, ils nous accompagnèrent
au bord de la mer* unPatagon chantoit pendant
dant cette marche. Quelques-uns fe mirent dans l’eau juf-
qu’aux genoux pour nous fuivre plus long-tems. Arrivés à
nos canots, il falloit avoir l’oeil à tout. Ils faififfoient tout
ce qui leur tomboit fous la main. Un d’eux s’étoit emparé
d’une faucille ; on s’en apperçut, & il la rendit fans réli-
llance. Avant que de nous éloigner, nous vîmes encore
grolîir leur troupe par d’autres qui arrivoient incelfam-
ment à toute bride. Nous ne manquâmes pas en nous
féparant d’entonner un chaoua dont toute la côte retentit,
:
Ces Américains font les mêmes que ceux vus par l’E- Defcription
toile en 1766. Un de nos matelots qui étoit alors n fur cette de ces Amé" a ' . 1 ricains. üute, en a reconnu un qu il avoit vu dans le premier
voyage. Ces hommes font d’une belle taille ; parmi ceux
que nous avons vus , aucun n’étoit au-delfous de cinq
pieds cinq à fix pouces , ni au-delfus de cinq pieds neuf à
dix pouces ; les gens de l’Etoile en avoient vu dans le précédent
voyage plulieurs de fix pieds. Ce qu’ils ont de gi-
gantefque, c’elt leur énorme carrure , la grolfeur de.leur
tête & l’épaifleur de leurs membres. Ils font robulles &
bien nourris, leurs nerfs font tendus, leur chair ell ferme
& foutenue; c’ell l’homme qui, livré à la nature & à un
aliment plein de fucs , a pris tout Taccroilfement dont il
ell fufceptible i leur figure n’eft ni dure ni defagréable ,.
plulieurs l’ont jolie; leur vifage ell rond & un peu plat;
leurs yeux font vifs ; leurs dents,extrêmement blanches,
n’auroient pour Paris que le défaut d’être larges ; ils portent
de longs cheveux noirs attachés fur le fommet de
la tête. J’en ai vu qui avoient fous le nez des moullaches
plus longues que fournies. Leur couleur ell bronzée com-
R