C H A P I T R E V I I I .
Séjour à Batavia , & détail fur les Moluques.
L e tems des maladies, qui commence ici ordinairement
à la fin de la mouflon de l’Eft, & les approches de la mouflon
pluvieufe de l’Oueft, nous avertifloient de ne refter à
Batavia que le moins qu’il nous feroit poflible. Toutefois,
malgré l’impatience où nous étions d’en fortir au plutôt,
nos befoins dévoient nous y retenir un certain nombre de
jours, & la nécefîité d’y faire cuire du bifcuit, qu on ne
trouva pas tout fait, nous arrêta plus long-tems encore que
nous n’avions compté. Il y avoit dans la rade, à notre arrivée
, 13 ou 1 4 vaifleaux de la compagnie de Hollande,
dont un portoit le pavillon Amiral. C ’efl: un vieil vaiffeau
qu’on laifle pour cette deftination ; il a la police de la rade
&rend les faluts à tous les vaifleaux marchands. Pavois
Cérémonial déjà envoyé un Oflicier pour rendre au General compte
à l'arrivée. de notre arrivée, lorfqu’il vint à bord un canot de ce vaiffeau
Amiral , avec je ne fçais quel papier écrit enHollan-
dois. Il n’y avoit point d’Officier dedans le canot, & le
Patron, qui fans doute en faifoit les fonétions, me demanda
qui nous étions & une dépofition écrite & lignée de
moi. Je lui répondis que j’avois envoyé faire ma déclaration
à terre, & je le congédiai. H revint peu de tems après
infiftant fur fa première demande ; je le renvoyai une fécondé
fois avec la même réponfe, & il fe le tint pour dit.
L’Officier qui étoit allé chez le Général ne fut de retour
qu’à neuf heures du foir. Il riavoit point vu fon Excellence
qui étoit à la campagne, & on l’avoit conduit chez le Sabandar
ou Introdu&eur des étrangers, qui lui donna rendez
vous au lendemain, & lui dit que fi je voulois def-
cendre à terre, il me conduirait chez le Général.
Les vifites, dans ce pays, fe font de bonne heure ; l’ex-
ceflive chaleur y contraint. Nous- partîmes à fix heures du
matin,conduits par le Sabandar M.Vanderluys, & nous allâmes
trouver M.Vander Para, Général des Indes orientales,
lequel étoit dans une de fes maifons de plaifance àtrois
lieues de Batavia. Nous vîmes .un homme fimplc & poli,
qui nous reçut à merveille & nous .offrit tous les fecours
dont nous pouvions avoir befoin. Il ne parut ni furpris ni
fâché que nous enflions relâché aux îles Moluques -, il approuva
même beaucoup la conduite du Réfident de Boëro
& fes bons procédés à notre égard. Il confentit à ce que je
miffe nos malades à l’hôpital de la .Compagnie, & il envoya
fur-le-champ l’ordre de les y recevoir. A l’égard des
fournitures néceffaires aux vaifleaux du Roi, il fut convenu
qu’on remettrait les états de demandes au Sabandar,
qui feroit .chargé de nous pourvoir de tout. Un des droits
de fa charge étoit de gagner Sc avec nous & avec Iesfour-
niffeurs. -Lorfque tout fut réglé, le Général me demanda
fi je ne faluerois pas le pavillon ; je lui répondis que je le
ferois., à condition que ce feroit la place qui rendroit le
falut & coup pour coup. Rien n’efl: plus juffe, me dit- i l ,
& la citadelle a les ordres en conféquençe. Dès que je fus
de retour à bord, nous fialuâmes de quinze coups de canon,
& la ville répondit parle même nombre.
Je fis auflitôr delcendre à l’hôpital les malades des deux
navires au nombre de vingt-huit, les uns encore affeétés
du fcorbut ,:les.autres, en plus grand nombre, attaqués du
flux de fang. Qn travailla auffi à remettre au .Sabandar
nVériafilt ed aeu Glaé Compagnie.