Route juf- qu’à l’île de France.
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Novembre.
Vue de l’ile
Rodrigue.
& chacun d’eux a ordre d’envoyer un foldat à bord: des
vaiffeaux qui paffent avec un regiftre fur lequel on prie
d’infcrire le nom du vaifîeau, d’où il vient & où il va. On
met ce qu’on veut fur ce regiftre ; mais je fuis fort éloigné
d’en blâmer l’ufage , puifque par ce moyen on peut avoir
des nouvelles de bâtimens dont fbuvent on eft inquiet, &
que d’ailleurs le foldat, chargé de préfenter ce regiftre',
apporte aufli des poules, des tortues & d autres rafrai-
chiffemens qu’il vend à fort bon compte. Il n y avoit plus
de fcorbut au-moins apparent à bord de mes vaiffeaux $
mais beaucoup de gens y étoient attaques du fluxdè fâng.
Je pris donc le parti de faire route pour 1 île de France,
fans attendre l’Etoile , & je lui en fis le fignal le 20. ■
Gette route n’eut rien de remarquable que le beau &
bon tems qui l’a rendue fort courte. Nous eûmes con-
ftamment le vent de Sud-Eft très-frais. Nous en avions
befoin-y car le nombre des malades augmentait chaque
jour, les convalefcences étoient fort longues & il fe joignit
aux flux de fang des fievres chaudes -, un de mes
charpentiers en mourut la nuit du 30 au-31» Ma mâture
me caufoit aufli beaucoup d’inquiétude. Il y avoit lieu
d’appréhender que le grand mât ne rompît cinq ou fix
pieds au-deffous du trelingage. Je le fis jumeller, & pour
le foulager, je dégreyai le mât de perroquet & tins toujours
deux ris dans le grand hunier. Ces précautions re-
tardoient confidérablement notre marche $ malgré cela,
le dix-huitieme jour de notre fortie de Batavia , nous eûmes
la vue de l’ile Rodrigue, & le furlendemain celle de
l’ile de France.
Le 5 Novembre à quatre heures du foir, nous étions
Nord & Sud de la pointe Nord-E{l de l’île Rodrigue, d’oft
j ’ai conclu la différence fuivapte de notre eftime depuis
l’île du Prince jufqu’à Rodrigue. M. Pingré y a obfervé
dod 51' de longitude à l’Eft de Paris, & à quatre heures
je me trouvois, fuivant mon eftime, par 6 id 26'. En.fup-
pofant donc que l’obfervationfaite fur l’île à l’habitation,
y ait été faite à deux minutes dans l’Oueft de lapointedont
j’étois Nord & Sud à quatre heures , ma différence fur
douze cents lieues de route. ,étoit trente-quatre minutes,
fur l’arriere du vaiffeau. La différence, des obfervations
faites le 3 par M. Verron, a été pour le même moment
de i£ 1 1 'fur l’avant du vaiffeau.
Nous avions eu connoiffance de l’île Ronde le 7 à midi
; à cinq heures du foir nous étions Nord & Sud de fon
milieu. Nous tirâmes du canon àd’entrée de la nuit, espérant
qu’on allumeroit le feu de la pointe aux Canonniers;
mais ce feu , mentionné par M. d’Après dans fon inftruc-
tion, ne s’allume plus , de maniéré qu’après avoir doublé
le coin de Mire qu’on peut ranger d’aufli près quon veu t,
je me trouvai fort embarraffé pour éviter la bâture da.ng.e-
reufe qui avance plus d’une demi-lieue au large. de la
pointe aux Canonniers. Je louvoyai, afin de m’entretenir
au vent du port, tirant de tems en tems un coup de canon
3 enfin entre onze heures & minuit il vint à bord un
des pilotes du port entretenus par le Roi; Je me croyois
hors de peine, & je lui avois remis, la conduite.du hât-j-
mqnt, lorfqu’à trois heures tk demie il nous échoua ppesdei
la baie des Tombeaux. Par bonheur il n’y avoir pas.de mer,
& la manoeuvre que nous fîmes rapidement pour tâcher
d’abattre du côté du large, nous réuflit 3 mais, que l’on conçoive
quelle douleur mortelle c’eût été pour nous, après,
tant de dangers néceffaires heureufement évités, de venir
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