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voit une baie ouverte au Nord-Eft, laquelle a trois ou
quatre lieues de profondeur. Ses côtes s’abaiffent infen-
fiblement jufqu’au fond de la baie où elles ont peu d’élévation
8c paroiffent former le canton le plus beau de
l’île 8c le plus habité. Il femble. qu’on trouveroit aifément
plufieurs bons mouillages dans cette baie. Le hazard nous
fervit mal dans la rencontre du nôtre. En entrant ici par
la paffe par laquelle eft fortie l’Etoile M. de la Girau-
dais m’a affuré qu’entre les deux îles les plus feptentrio-
nales , il y avoit un mouillage fort fur pour trente; vaif-
feaux au-moins depuis 23 jufqu’à 12 & xo brades,. fond
de fable gris vazeux, qu’il y avoit une lieue d’évitage &
jamais de mer. Le relie de la côte efl élevé 8ç elle femble
en général être toute bordée par un récif inégalement
couvert d’eau & qui forme en quelques endroits de petits
îlots fur lefquels les infulaires,entretiennent des feux-pendant
la nuit pour la pêche 8c la fureté de leur navigation ;
quelques coupures donnent de diftance en dillance l’entrée
en-dedans du récif; mais.il faut fe méfier, dufond. Le
plomb n’amene jamaisi-que du fable gris. ; ce fable recouvre
de greffes maffes d’un corail dur 8c tranchant, capable
de couper am cable dans une nuit-, âinfi que nous l’a
appris une funefte expérience.
Au-delà de la pointe feptentrionale de cette baie, La côte
ne forme aucune anfie, aucun cap remarquable. Lapomtç
la plus occidentale efl terminée par une terre baffe-, darîs
le.Nord-Oueft de laquelle, environ,à une lieue de diftance,
on voit une île peu élevée qui s’étend deux omtrois lieues
fur le Nord-Oueft.
Afpedï dit La hauteurides montagnes, qui occupent tout l’intérieur
pays> . de Taiti, eft furprenante ,. eu égard à l’étendue de l’île.
A U T O U R D U v M O N D E. 2 1 1
Loin d’en rendre l’afpeél trille 8c fauvage, elles fervent à
l’embellir en variant à chaque pas les points de vue 8c. pré-
fentant derichespayfages couverts des plus riches productions
de la nature, avec ce defordre dont l ’art ne fut jamais
imiter l’agrément. De-là fortent une infinité de petites
rivières qui fertilifent le pays 8c ne fervent pas moins
à la commodité des habitans qu’à l’ornement des campagnes.
Tout le plat pays, depuis les bords de la mer juf-
qu’aux montagnes, eft confacré aux arbres fruitiers, fous
lefquels, comme je l’ai déjà dit, font bâties les maifons
des Taitiens, difperfées fans aucun ordre 8c fans former
jamais de village; on croit être dans les champs élifées.
Des fentiers publics , pratiqués avec intelligence Sc foi-
gneufement entretenus, rendent par-tout les communications
faciles.
Les principales productions de l’île font le cocos, la ba- Ses produc -
nane, le fruit à pain, l’igname, le curaffol, le giraumon tl0ns'
8c plufieurs autres racines 8c fruits particuliers au pays,
beaucoup de cannes à fucre qu’on ne cultive point, une
efpece d’indigo fauvage, une très-belle teinture rouge 8c
une jaune ; j’ignore d’où on les tire. En général M. de
Commerçon y a trouvé la botanique des Indes. Aotourou,
pendant qu’il a été avec nous , a reconnu 8c nommé plufieurs
de nos fruits 8c de nos légumes, ainfi qu’un allez
grand nombre de plantes que les curieux cultivent dans les
ferres chaudes. Le bois propre à travailler croît dans les
montagnes, 8c les infulaires en font peu d’ufage. Ils ne
l’employent que pour leurs grandes pirogues, qu’ils con-
ftruifent de bois de cedre. Nous leur avons auffi vu des
piques d’un bois noir, dur 8c pefant, qui reffemble au bois
de fer. Ils fe fervent pour bâtir les pirogues ordinaires de
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