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l’état véritable de ces îles, & le nuage mytëérieux qui enveloppe
ce jardin des Hefperides. Mais il eft des difficultés
que la force de l’homme ne peut' vaincre, & des inconvé-
niens auxquels toute fa fageffe ne fçauroit remédier. Les
Hollandois peuvent bien conflruire à Amboine & Banda
des fortifications refpeêlables, ils peuvent les munir de
garnifons nombreufes3 mais après quelques années, des
tremblemens de terre, prefque périodiques, viennent ren-
verfer de fond-en-comble tous ces ouvrages, & chaque
année la malignité du climat emporte les deux tiers des
foldats, matelots & ouvriers qu’on y envoyé. Voilà des
maux fans remede. Les forts de Banda, bouieverfés ainfi
il y a trois ans, font à peine reçonftruits aujourd’hui ; ceux
d’Amboine ne le font pas encore. D ’ailleurs la Compagnie
a pû parvenir à détruire, dans quelques îles, une
partie des épiceries connues $ mais il en eft quelle ne
connoît pas, & d’autres même quelle connoît & qui fe
défendent contre fes efforts
Aujourd’hui les Anglois fréquentent beaucoup les parages
des Moluques, & ce meff afîurément pas fans deffein.
II y avoit plufîeurs années que de petits bâtimens qui partaient
de Bancoul, étoient venus examiner lespaffages&
prendre les connoiffances relatives à cette navigation dif-
fiçile.On a lû que les habitans de Bouton nous ont dit que
trois navires Anglois avoient depuis peu paffé dans ce dé*
troit ; nous avons auffi parlé des fecours qu’ils ont donnés
à l’infortuné Souverain de Balimbuam, & il paroît certain
que c’eft d’eux auffi que les Ceramois tirent de la poudre
& des armes ; ils leur avoient même conftruit un fort que
le Capitaine le Clerc nous a dit avoir détruit, & dans lequel
il a trouvé deux canons. En 1764 M. Watfon, qui
çommandoiî
eommaridoit le Kinsbërg, frégate de virvgt-fix carions, vint?
à l’entrée de Savai, s’y fit donner, à coups de fufils, un
pilote pour le conduire au mouillage, &: Commit beaucoup
de vexations dans ce foible comptoir. Ihfif auffi je ne fçais
quelle tentative chez les Papous, mais elle ne lui réuffit
pas; Sa chaloupe fut enievéepar ces Indiens, & tous les Européens
qui étoient dedans, entre autres un fils de Mylord
Sandwic, Garde de la Marine, qui la cOmmandoit, furent
attachés à des poteaux, circoncis & maffâcrésénfuitè dans
les tourmens.
■ Il femble au refie que les Anglois ne veulent; point cacher
leurs projets à la compagnie Kollandoife. Il y h quatre
ans qu’ils établirent un polie dans une des îles des'Papous,
nommée Soloc ou Tafara. M. Dalnrnpleqùiié'fonda en
fut le premier Gouverneur ; mais les Anglois ne font? gardé
que trois ans. Ils viennent de l’abandonner!& MèDâlrim-
ple a paffé à Batavia en 1768, fur le Paity, Capitaine
Dodwell, d’où il s’eft rendu àBancoul, où le Patty a coulé
bas dans la rade. Ce polie fourniffoit des nids d’oileaüx,
de la nacre, des dents d’éléphant, des perles & des tripans-
ou fwalopps, efpece de glu ou d’écume dont les Chinois
font grand cas. Ce que je trouve merveilleux, c’efl qu’ils
venoient vendre leurs cargaifons à Batavia, je le fçais du
négociant qui les y achetoit. Le même homme m’a affuré
que les Anglois avoient auffi des épiceries par le moyen
de ce pofle ; peut-être les tiroient-ils des Ceramois; Pourquoi
font-ils abandonné? c’efl ce que j’ignore. Il fe peut
qu’ayant déjà levé un grand nombre de plans d’épiceries, les
ayant tranfplantés dans quelqu’une de leurs poffeffions aux
Indes, & fe croyant affûtés de leur réufïïte, ils aient aban-
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