Révolte des
Indiens contre
les Efpa-
gnols.
Caufede leur
mécontentement.
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le zele triompha de tout, & la douceur des Millionnaires
amena enfin à leurs pieds ces farouches habitans des bois.
En effet, ils les réunirent dans des habitations, leur donnèrent
des loix, introduifirent chez eux les arts utiles &
agréables -, enfin d’une Nation barbare, fans moeurs &
fans religion , ils en firent un peuple doux , policé, exa&
obfervateur des cérémonies chrétiennes. Ces Indiens ,
charmés par l’éloquence perfuafive de leurs apôtres, obeif-
foient volontiers à des hommes qu’ils voyoient fe facrifier
à leur bonheur i de telle façon que quand ils vouloient fe
former une idée du Roi d’Efpagne, ils fe le repréfentoient
fous l’habit de S. Ignace.
Cependant il y eut contre fon autorité un inftant de révolte
dans l’année 1757. Le Roi Catholique venoit d’e-
changer avec le Portugal les peuplades des miffions fituées
fur la rive gauche de l’Uraguai contre la colonie du Saint-
Sacrement. L’envie d’anéantir la contrebande énorme,
dont nous avons parlé plufieurs fois, avoir engagé la Cour
de Madrid à cet échange. L’Uraguai devenoit ainfi la
limite des poffeffions refpe&ives des deux Couronnes ; on
faifoit paffer fur fa rive droite les Indiens des peuplades cé*
dées, & on les dédommageait en argent du travail de
leur déplacement. Mais ces hommes accoutumés à leurs
foyers, ne purent fouffrir d’être obligés de quitter des ter*
res en pleine valeur, pour en aller défricher de nouvelles»
Ils prirent donc les armes : depuis long-tems. on leur avoit
permis d’en avoir pour le défendre contre les incurfions
desPauliftes, brigands iffus du Bréfil, & qui s’étoient formés
en république vers la fin du feizieme fiecle, La. révolte
éclata fans qu’aucun Jéfuite parût jamais à la tête des
Indiens. On dit même qu’ils furent retenus par force dans
tes
a u t o u r d u M o n d e ,1 97
les villages, pour y exercer les fon&ionsdu facerdoce.
Le Gouverneur général de la province de la Plata,
Don Jofeph Andonaighi, marcha contre les rébelles, fui-
vi de Don Joachim de Viana , Gouverneur de Montevideo.
Illes défit dans une bataille où. il périt plus de deux
mille Indiens. Il s’achemina enfuite à la conquête du pays $
& Don Joachim voyant la terreur qu’une première défaite
y avoir répandue, fe chargea avec fix cents hommes
de le réduire en entier. En effet il attaqua la première
peuplade, s’en empara fans réfiftance, & celle-là prife ,
toutes les autres fe fournirent.
Sur ces entrefaites la Cour d’Efpagne rappella Don Jofeph
Andonaighi & Don Pedro Cevallos arriva à Buenos
Aires pour le remplacer. En même tems Viana reçut
ordre d’abandonner les millions & de ramener fes troupes.
Il ne fut plus queftion de l’échange projetté entre
les deux Couronnes, & les Portugais , qui avoient marché
contre les Indiens avec les Efpagnols, revinrent avec
eux. C ’eft dans le tems de cette expédition que s’eft répandu
en Europe le bruit de l’éleéHon du Roi Nicolas
Indien dont en effet les rebelles firent un fantôme de
royauté.
Don Joachim de Viana m’a dit que quand il eut reçu
l’ordrede quitter les millions, une grande partie des Indiens,
mécontens de la vie qu’ils menoient , vouloit le fuivre.
Il s’y oppofa, mais il ne put empêcher que fept familles
ne l’accompagnaffent, & il les établit aux Maldonades, où
elles donnent aujourd’hui l’exemple de l’induftrie & du
travail. Je fus furpris de ce qu’il me dit au fujet de ce mécontentement
des Indiens. Comment l’accorder avec tout
ce que j’avois lu fur la maniéré dont ils étoient gouver-
N
leIsl s aprrmeensn eSntt
font battus.
Troubles ap-,
paifés.
Les Indiens
pgaorûotiéfsf ednet l’daéd
miniftration
des Jéiuites.