les marques de leur dignité qui ne les exemptait pas d’être
fouettés comme les autres. Leur plus grande diftinc-
♦ ion étoit de porter des habits, tandis qu’une chemifie de
toile de coton compofoit feule le vêtement du refte des
Indiens de l’un & l’autre fexe. La fête de la paroiffe &
celle du Curé fe célébraient auffi par des réjouiffances
publiques, même par des comédies $ elles reffembloieriÊ
lans doute à nos anciennes pièces quon nommoit myf- teres.
Le Curé habitoit une maifon vafie proche l’Eglife ; elle
avoit attenant deux corps de logis, dans l’un deiquels
étoientles écoles pour la mufique, la peinture,, la fculpture,
1 architeêfure & les atteliers des différens métiers ; l’Italie
leur fourniffoit les maîtres pour les arts, & les Indiens apprennent,
dit-on, avec facilité; l’autre corps de logis con-
tenoit un grand nombre de jeunes filles occupées à divers
ouvrages fous la garde & l’infpeêlion de vieilles femmes:
il fe nommoit le guatiguafu ou le féminaire. L’appartement
du Curé communiquoit intérieurement avec ces
deux corps de logis.
Ce Curé fe levoit à cinq heures du matin, prenoit une
heure pour l’oraifon mentale , difoit fa meffe à fix heures
& demie, on lui baifoit la main à fept heures, & l’on fai-
foit alors la diftribution publique d’une once de maté par
famille. Après fa meffe, le Curé déjeûnoit, difoit fon bréviaire,
travailloit avec les Corrégidors dont les quatre
premiers étoient fes Minières, vifitoit le féminaire, les
écoles & les ateliers; s’il fortoit, c’étoit à cheval & a v e c
un grand cortege ; il dînoit à onze heures feul avec fon
Vicaire, reftoit en converfation jufqu’à midi, & faifoitla
fieffe jufquà deux heures; il étoit renfermé dans fon intérieur
jufqu’au rofaire, après lequel il y avoit converfation
jufqu’à fept heures du foir; alors le Curé foupoit; à
huit heures il étoit cenfé couché.
Le peuple cependant étoit depuis huit heures du matin
diftribué aux divers travaux foit de la terre, foit des atteliers
,. & les Corrigédors veilloient au févere emploi du
tems ; les femmes filoient du coton; on leur en diftribuoit
tous les lundis une certaine quantité qu’il falloir rapporter
filé à la fin de la femaine ; à cinq heures & demie du
foir on fe raffembloit pour réciter le rofaire & baifer encore
la main du Curé ; enfuite fe faifoit la diffribution
d’une once de maté & de quatre livres de boeuf pour
chaque ménage qu’on fuppofoit être compofé de huit
perfonnes ; on donnoit auffi du maïs. Le dimanche on ne
travailloit point, l’office divin prenoit plus de tems ; ils
pouvoient enfuite fe livrer à quelques jeux auffi triftes que
le refie de leur vie.
On voit par ce détail exaft que les Indieft's n’avoient
en quelque forte aucune propriété & qu’ils étoient affu- S
jettis à une uniformité de travail & de repos cruellement
ennuyeufe. Cet ennui, qu’avec raifon on dit mortel, fuffit
pour expliquer ce qu’on nous a dit, qu’ils quittoient la vie
fans la regretter & mouroient fans avoir vécu. Quand une
fois ils tomboient malades, il étoit rare qu’ils guériffent ;
& lorfqu’on leur demandoit alors fi de mourir les afili-
geoit, ilsrépondoient que non, & lerépondoient comme
des gens qui le penfent. On ceffera maintenant d’être
furpris de ce que, quand les Efpagnols pénétrèrent dans
les miffions, ce grand peuple, adminifiré comme un couvent
, témoigna le plus grand defir de forcer la clôture.
Au refte les Jéfuites nous repréfentoient ces Indiens com-
Conféqiien-
■S qu’on en
*e.