Bonne réception
qu’il
nous fait.
donner par écrit une déclaration des motifs de ma relâche,'
afin qu’elle pût juftifier auprès de fonfupérieur auquel il
l'enverroit, la conduite qu'il étoit obligé de tenir en nous
recevant ici. Sa demande étoit jufle, & j’y fatisfis en lui
donnant une dépofîtion lignée, dans laquelle je déclarais
qu’étant parti des îles Malouines & voulant aller dans
l’Inde en paflant par la mer du Sud, la mouflon contraire
& le défaut de vivres nous avoient empêché de gagner
les îles Philippines & forcé de venir chercher au premier
port desMoluques des fecours indifpenfables, feeours que
je le fommois de me donner en vertu du titre le plus ref-
pedable , de l'humanité-
Dès ce moment il n’y eut plus de difficulté; leRéfir
dent, en réglé vis-à-vis de fa Compagnie, fit contre fortune
bon coeur, & il nous offrit ce qu’il avoit d’ün air auflx
libre que s’il eût été le maître chez lui. Vers les cinq heures
je defcendis à terre avec plufieurs. Officiers pour lui faire
une vifite. Malgré le trouble que devoit lui caufer notre
arrivée, il nous reçut à merveille. 11. nous, offrit même à
-fouper, & certes nous l’acceptâmes. Le fpedacle du plai-
fir & de l'avidité avec lequel nous le dévorions, lui prouva
mieux que nos paroles que ce n’étoit pas fans raifon que
nous criions à la faim. Tous les Hollandois en. étoient ea
extafe, ils n'ofoient manger dans la crainte de nous faire
tort. Il faut avoir été marin & réduit aux extrémités que
nous éprouvions depuis plufieurs mois, pour fe faire une
idée de la fenfation que produit la vue de falades & d’ua
bon fouper fur des gens en pareil état. Ce fouper fut pour
moi un des plus délicieux inflans de mes jours, d’autant
que j’avois envoyé à bord des vaifleaux de quoi y faire
fouper tout le monde auflx bien que nous.
Il fut réglé que nous aurions journellement du cerf pour
entretenir nos équipages à la viande fraîche pendant le
féjour, qu’on nous donneroit en partant dix-huit boeufs ,
quelques moutons & à-pëu-près autant de volailles que
nous en demanderions. Il fallut fuppléer au pain par du
riz ; c’efl la nourriture des Hollandois. Les infulaires vivent
de pain de fagu qu’ils tirent du coeur d’un palmier
auquel ils donnent ce nom ; ce pain reffemble à la caffave.
Nous ne pûmes avoir cette abondance de légumes qui
nous eût été fi falutaire, les gens du pays n’en cultivent
point. Le Réfident voulut bien en fournir pour les malades,
du jardin de la Compagnie.
Au refie, tout ici appartient à la compagnie direélement
ou indirectement, gros & menu bétail, grains & denrées
de toute efpece. Elle feulé' vend & acheté. Les Maures à
la vérité nous ont vendu des volailles, des chevres, du
poiffon, des oeufs, & quelques fruits; mais l’argent de
cette vente ne leur refiera pas lông-tems. Les Hollandois
fçauront bien le retirer pour des, hardes fort Amples, mais
qui n’en font pas moins cheres'. La chaffe même du cerf
n’efl pas libre , le réfident feul en a le droit. Il donne à fes
chafleurs trois coups de poudre & de plomb, pour lef-
quels ils doivent apporter deux animaux qu’on leur paye
alors fix fols piece. S’ils n’en rapportent qu’un, on retient,
fur ce qui leur efl dû, le prix d’un coup de poudre & de
plomb.
Dès le 3 au matin, nous établîmes nos malades à terre
pour y coucher pendant nôtre féjour. Nous envoyions
auffi journellement la plus grande partie des équipages fe
promener & fe divertir. Je fis faire l’eau des navires & les
divers tranfports par des efclaves de la compagnie que le
Police
Compag