Productions
du pays.
car on v o y o it encore aux arbres plufieurs amarrages de
bitord. Les clous étoient à l’arbre, & la plaque n’avoit été
arrachée que depuis peu de jours ; car fa trace étoit fraîche.
Dans l’arbre même il y avoit des gradins pratiqués
par les Anglois ou par les infulaires. Des rejettons qui s’é-
levoient fur la coupe d’un des arbres abattus, nous fournirent
un moyen de conclure qu’il n’y avoit pas plus de
quatre mois que les Anglois av oient mouillé dans cette
baie. Le bitord trouvé l’indiquoit fuffifamment ; car, quoique
dans un lieu fort humide, il n’étoit point pourri. Je
ne doute pas que le vaiffeau venu ici de relâche, ne foit
le Swallow , bâtiment de quatorze canons, commandé par
M. Carteret& forti d’Europe au mois d’Août 1766 avec
le Delfin que commandoit M. Walas. Nous avons eu depuis
des nouvelles de ce bâtiment à Batavia, où nous en
parlerons & d’où on verra que nous avons fuivi fa trace
jufqu’en Europe. C’eft un hazard bien fingulier que celui
qui, au milieu de tant de terres, nous rarnene à un point
où cette nation rivale venoit de laiffer un monument d’une
entreprife femblable à la nôtre.
La pluie fut prefque continuelle jufqu’au 11. Il y avoir
apparence de grand vent dehors, mais le port eft abriéde
tous côtés par les hautes montagnes qui l’environnent.
Nous accélérâmes nos travaux autant que le mauvais tems
le permettoit. Je fis auffi pomoyer nos cables & relever
une ancre pour mieux connoître la qualité, du fond 3 on
n’en pouvoit fouhaiter un meilleur. Un de nos premiers
foins avoit été de chercher, affurément avec intérêt, fi le
pays pourroit fournir quelques rafraîchiffemens aux malades
& quelque nourriture folide pour les fains. Nos recherches
furent infruftueufes. La pêche étoit abfolument
ingrate , & nous ne trouvâmes dans les bois que quelques
lataniers & des choux palmiftes en très-petit nombre 3 encore
les falloit-il difputer à des fourmis énormes / dont les
e{Tains innombrables ont forcé d’abandonner plufieurs
pieds de ces arbres déjà abattus. On vit, il eft vrai, cinq
ou fix fangliers ou cochons marons, & depuis ce tems il y
eut toujours des chaffeurs occupés à en chercher, fans que
jamais on en ait tué. C ’eft le feul quadrupède que nous
ayons rencontré ici.
Quelques perfonnes ont auffi cru y reconnoître les traces
d’un chat tigre. Nous avons tué quelques gros pigeon^
de la'plus grande beauté. Leur plumage eft verd-doré. Ils
ont le col & le ventre gris-blanc & une petite crête fur la
tête. Il y a auffi des tourterelles, des veuves plus groffes
que celles du Bréfil, des perroquets, des oifeaux couronnés,
& une efpece d’oifeau dont le cri reffemble fi fort à
l’aboyement d’un chien, qu’il n y a perfonne qui n y foit
trompé la première fois qu’on l’entend. Nous avons auflî
vû des tortues en différentes parties du canal, mais nous
n’étions pas dans le tems de la ponte. Il y a dans cette
baie de belles ances de fable , où je crois qu’alors on en
pourroit prendre un affez bon nombre.
Tout le pays eft montagneux ; le fol y eft très-léger, à
peine le rocher eft-il recouvert. Cependant les arbres
y font de la plus grande élévation, & il y a plufieurs efi-
peces de très-beaux bois. On y trouve le betel, l’areca &
le beau jonc des Indes que nous tirons des Malais. Il croît
ici dans les lieux marécageux 3 mais foit qu il exige une
culture, foit que les arbres qui couvrent entièrement la
terre nuifent à fon accroiffement & à fa qualité, foit enfin
que nous ne fuffions pas dans la faifon de fa maturité.