Voici, comme annexe, le texte du procès-verbal de la traversée :
L’an mil h u it cent quatre-vingt-huit, le mercredi vingt-sept ju in , MM. E.-A. Martel, agréé au
trib u n al de commerce dè la Seine, membre de la direction centrale du Club alpin français, et
Marcel Gaupillat, ingénieur civil, demeurant tous deux à Paris, accompagnés de Blanc (Claude),
mineur (de la Chaise-Dieu, Haute-Loire) ; Armand (Louis), s errurier (d’Aguessac) ; Causse (Hippo-
lyte), chef cantonnier (de Meyrueis); Foulquier (Émilè), de Peyreleau ; Parguel (Auguste), maître
d’hôtel (de Meyrueis), entreprennent l’exploration souterraine des cascades de Bramabiau. A
l’aide d ’un bateau démontable ils p énètrent p a r la sortie de Bramabiau ju sq u ’à deux cents mètres
environ de distance au sud-est de la deuxième cascade, visible de l’extérieur. A ce p o in t ils sont
a rrê té s, après avoir franchi deux cascades intérieures, p a r une troisième chute d’eau intérieure
infranchissable pour le bateau.
Le lendemain, jeu d i vingt-huit ju in , les mêmes, moins Parguel (Auguste), mais accompagnés
en outre de M. Mély (Pierre-Louis), in s titu teu r à Camprieu,, et de Michel (Émïle), forgeron à
Camprieu, essayent la descente des cascades à huit heures du matin.
Entrés p a r l’avant-dernière fissure, qui s’ouvre dans la grotte située en re to u r d’équerre du
grand tunnel du Bonheur, au delà de la perte des eaux, ils parviennent, à dix heures et demie
du m a tin , après avoir parcouru plusieurs corridors et salles, à une rivière souterraine dirigée
vers le nord-ouest dans une galerie large de un à deux mètres et haute de dix à vingt mètres.
En ce point il fallut marcher dans l’eau.; MM. Martel, Blanc, Armand et Foulquier continuent
seuls l’exploration. Au bout d ’une heure e t demie de marche difficile et dangereuse, tan tô t
dans le lit p eu profond de la rivière, tantôt su r des corniches latérales au-dessus de bassins très
creux, tous quatre a rrivent à la cascade qui avait arrê té le bateau la veille.
A cette place, Foulquier, qui y é ta it parvenu le jo u r précédent, retourne en arrière pour prér
venir le reste de la caravane que ses trois compagnons vont re ssortir p a r Bramabiau. A une
h e u re , en effet, MM. Martel, Blanc e t Armand, ayant rè fa it à pied et avec difficulté le parcours
précédemment effectué p a r le bateau, se retrouvent dehors à la sortie de Bramabiau,
à q u a tr e -v in g t- d ix mètres en dessous du niveau de la perle du Bonheur. En foi de quoi, les
susnommés ont signé le présent procès-verbal, avec la légalisation de M. de Camprieu (Barthélémy),
ma ire de Camprieu.
F a it à Camprieu (Gard), le vingt-huit ju in mil huit cent quatre-vingt-huit, en double o riginal,
dont l’un, sur timbre à soixante centimes, est demeuré dans les archives de la commune de Camprieu,
e t le présent au tre en la possession de M. Martel.
Signé: E.-A. Martel, Marcel Gaupillat, P .-L . Mély, Blanc (Claude), Causse (Hippolyte),
P arguel, Armand (Louis), F oulquier (E.), Michel (Émilé)..
Bon p o u r la légalisation des signatures des p ersonnes désignées dans le procès-verbal ci-dessus.
Le maire: B. de Camprieu.
Camprieu, v in g t- h u it j u in mil h u i t cent q u a tre -v iD g t-h u it.
C H A P IT R E X I I
CAUSSE NOIR. ----- nO C RIUK . — MONTS DU VIGAN
Millau. — Le causse Noir : routes, villages et tronçonnement, — Les monts du Vigan : imbroglio
indéchiffrable. — Avenc du causse Noir. — Vallée de la Dourbie. — Le Monna. — Rocs
de Caussoü. — Grotte de l ’Aluech. — La Roque-Sainte-Marguerite. — Roquesaltes e t .l e
Rajol. — Source de Corp. — Saint-Véran : la bataille de Québec et le serpent de Rhodes.
— Cantobre. — Nant e t le Durzon, — Changement de climat. — Environs du Vigan. — Trêves,
son canon e t ses grottes. — Mines de Saint-Sauveur-les-Pourcils,
En sa qualité de sous-préfecture de l’Aveyron, Millau, « ville joyeuse « et
manufacturière (ganterie de peau d’agneau) de 16,139 habitants (la comm.,
14,417 aggl. ; Æmilianam des Romains, ou Ab amygdalis, à cause de ses amandiers
; A mille aquis, mille eaux, A mulionum via, chemin des mulets), ne peut
prétendre à la qualification d’inconnue. Depuis longtemps le chemin de fer de
Rodez à Béziers la trav e rse , et le Guide Joanne indique ce qu’elle a à montrer
aux étrangers : peu de chose, en somme, en dehors de son vieux beffroi et de sa
curieuse place d’Armes aux antiques galeries de bois. Tout son lustre est dans sa
situation et ses beaux environs. C’est l’une des portes de la région des Causses,
à l’entrée du troisième des grands canons, celui de la Dourbie, qui, sous le
pont même de Millau, se marie au Tarn par 350 mètres d’altitude. Dans une
large plaine, la ville s’étend à l’aise sur la rive droite du Ta rn , e t si 1 on y
arrive après avoir séjourne quelque temps dans les étroites gorges d am o n t,,on
est tout étonné de retrouver des cheminées d’usines en vue même des falaises
dolomitiques du causse Noir et du Larzac, qui l’entourent encore à l’est et au
sud, mais ne l’écrasent plus. Dans l’angle sud-est du confluent des deux rivières
s’étend, en face de là ville, la plaine de la Grauffessenqüe, riche en débris
de poterie romaine, (-p, 93). Vers le nord-ouest, Millau confine au « Lévezou,
gneiss et granit stérile, landes et fougères, bois et taillis, champs de seigle, et
çà et là quelques heaux mégalithes. Le Lévezou donne naissance au V ia u r , il
part de la rive gauche de l’Aveyron, qu’il domine par les longues croupes
de la forêt des Palanges; il s’avance au-dessus de la rive droite du Tarn,
qu’il commande, au nord de Millau, par la belle cime (calcaire), franchement,
dégagée, du puech d’Ondes ou puech d’Ondon (883 m.)*, il a pour tête le Pal
(1,157 ni.), à la première fontaine du Viaur, » (0 . Reclus,). . . _ .
De Millau nous partons pour le Vigan, visitant en chemin le causse Noir,
la vallée de la Dourbie et le noeud gordien des montagnes qui s’enchevêtrent
entre le Larzac et l’Aigoual. _ .
Ü « Le causse Noir serait plutôt causse Rouge, ou même causse Omnicolore, ses
roches, ayant toutes les teintes ; on le nomma causse Nègre de sa sombre forêt
de pins, queTes caussenards noirs ont presque toute extirpée : il n ’en reste plus
que des. bouquets, que des rideaux, et, par endroits, des duos, des trios, des
quatuors, bas, malingres, à cause de la violence du vent, de' la sécheresse et de
la dureté du sol.
« Vers i’est, il s’adosse au granitique Aigoual. De tout autre côté, son bloc se
déchire soudain et tombe en à-pic, en surplombs, sur des gouffres de 400 à
500 mètres ; au midi, son escarpement plonge sur la Dourbie, qui le sépare du
Larzac; au nord, il s’abat sur la Jonte, qui le sépare du causse Méjean; à
l’ouest, il s’avance en hauts créneaux sur le val du Tarn, en amont de Millau,
vis-à-vis du puech d’Ondon.
« Ainsi limité par un mont e t'p a r trois précipices, aux altitudes de 800 et
1,000 mètres, il a 20 kilomètres de l’est à l’ouest, 7 à 20 du nord au sud, en lui
ajoutant un bastion détaché, le causse Bégon, qui monte de Nant à Trêves,
entre la Dourbie et son affluent le Trévesel ; il n ’a guère que 15,000 hectares :
clest donc le moindre des grands causses, mais non le moins célèbre, grâce à
sa « merveille du monde », à sa plus que cyclopéenne cité de Montpellier-le-
Vieux. » (O. Reclus.)
Comme aspect général, le causse Noir ne diffère pas sensiblement des plateaux
calcaires voisins,
Du côté de l’ouest, les escarpements de Millau ont encore 300 mètres de hau