Deux années durant, les Camisards n ’eurent d’autre gîte que les forêts'des
Cévennes et les cavernes des Causses. 1 eS rorets ües
i0 Lt , \ d;ma.nC]le ’ deS ré.unions solennelles où ils convoquaient secrètement
es habitants des villages voisins, soumis en apparence seulement on observait la
gneur ’ 600 an‘ l6S Prédicateurs- chf“ des p saum e s/p rian t le Sei-
Les dragons royaux surprirent et dissipèrent nombre de ces saintes mais
proscrites assemblées : sur place, ils fusillaient tous leurs prisonniers En grand
nombre cependant les rebelles se réfugiaient dans leurs gorges impénétrable et
eformaient leurs rangs toujours grossissants. Sur le champ de bataille genou en
terre d abord, comme les Suisses à Morat : on entonnait ensuite le psaume lxvhi
(Que Dieu se montre seulement), même sous le feu de l ’ennemi • enfin on chargeait
avec 1 impétuosité de condamnés qui n ’ont que le choix entre deux genres
Î l l e ^ i L u m i r s 1 S P!USglorieux- Vaincus> ils trépassaient cm e i, vainqueurs, ils ne faisaient pas quartier. sans sour-
« Les Camisards agirent en bêtes féroces, a dit Voltaire • mais on leur avait |gp | ,,m*s “1,m -■iu mèj# I I
| S É É m m rn 00«, les
« Les proscriptions de Sylla et d’Octave, p ar exemple, n ’approchèrent nas des
menSf nlus d q “ veimes’ ni Pour ]e ™mbre ni pour la barbarie ; elles sont seulement
plus célébrés parce que le nom de l ’ancienne Rome doit faire plus d’impression
que celui des villages et des cavernes d’Anduze ; et Sylla, Antoine
Auguste en imposent plus que Ravenel et Castanet; mais l’atrocité fut poussée*'
É i d“ S les f.lx années des troubles du Languedoc que dans les trois mois
des ^oscriptions du triumvirat. On en peut ju g e r par des lettres de l ’éloquent
Flechier, qui était éveque de Nîmes dans ces temps funestes. R écrit en 1704 •
« Plus de quatre mille catholiques ont été égorgés à la campagne, quatre-vingts'
?UX f e é&lises brûlées- » U n e parlait qüe de son diocèse
, les autres étaient en proie aux mêmes calamités. -
« Jamais il n ’y eut de plus grands crimes, suivis de plus horribles supplices > et
lesAeux partis, tantôt assassins, tantôt assassinés, invoquaient également le nom
du Seigneur Nous verrons, dans le Siècle de Louis X IV , plus de quarante mille
fanatiques périr par la roue et dans les flammes ; et, ce qui est bien remarquable
il n y en eut pas un seul qui ne mourût en bénissant Dieu, pas un qui montrât la
moindre faiblesse : hommes, femmes, enfants, tous expirèrent avec le même courage.
» (V oltaire, Essai sur les moeurs, remarque xvi. )
Du 29 septembre au 14 décembre 1703, trente et une paroisses, comprenant
cen quatre-vingt-dix-neuf villages et quatre cent soixante hameaux, furent lé -
truites ou livrées aux flammes autour de la montagne du Rouges
f y f T r 411™ 6 de Br0gHe (164<>-1727), maréchal en 1724, beaufrère
de Basville et lieutenant général du roi en Languedoc, usa le premier ses'
troupes contre les Camisards. Catinat, à la tête de deux cents hommes seulement,
le vainquit au va de Rane, à Marvejols, à la Croix de la Fougasse, etc.
En février 1703, Cavalier gagne la bataille de Vagnas, où les catholiques perdent
cinq cents hommes et les protestants ne comptent qu’un mort.
En 1703, le maréchal de Montrevel (Nicolas-Augusle de la Baume) (1646-1716)
remplaça de Broglie, et fusilla, pendit, brûla, saccagea sans merci Cavalier le
battit encore '.
Le 1" avril 1703, trois cents protestants périssent grillés dans un moulin
incendié par les troupes royales, et Fléchier, alors évêque de, Nîmes, s’écrie :
« Cet exemple était nécessaire pour arrêter l’orgueil de ce peuple. » Le prélat,
d’ailleurs, parlait ainsi en courtisan et non en prêtre, car on sait qu’il fît, au
contraire, tout pour atténuer personnellement les exeès des catholiques.
Tant do cruauté n ’attira au maréchal que de nouvelles défaites à Nages, aux
Roches-d’Aubais, à Martignargues, à Salindres (1703-1704). Le roi le rappela
à Paris et lui substitua Villars. Plus humain et plus clairvoyant8, celui-ci pactisa,
transigea, pacifia.
Le 16 avril 1704, il battit les huguenots et leur tua quatre cents hommes ; il
ne profita de ce succès que pour se ménager, le 16 mai suivant, une entrevue avec
Cavalier, et il réussit à traiter avec lui. Ce coup de maître diplomatique valait
mieux que plusieurs victoires sanglantes,
« On trouva Cavalier à la tête de huit cents hommes qu’il enrégimentait,
quand on lui proposa l ’amnistie. Il demanda des otages, on lui en donna; il
vint, suivi d’un des chefs, à Nîmes, où il traita avec le maréchal de Villars.
: « Il promit de former quatre régiments de révoltés, qui serviraient le roi sous
quatre colonels, dont il serait le premier et dont il nomma les trois autres ; ces régiments
devaient avoir l’exercice libre de leur, religion, comme les troupes étrangères
à la solde de France ; mais cet exercice ne devait point être permis ailleurs.
« On acceptait ces conditions, quand des émissaires de Hollande vinrent en
empêcher l’effet avec de l’argent et des. promesses. Ils détachèrent de Cavalier
les principaux fanatiques ; mais, ayant donné sa parole au maréchal de Villars,
il la voulut tenir : il accepta le brevet, de colonel et commença à former son
régiment avec cent trente hommes qui lui étaient affectionnés.
« Cette négociation singulière se faisait après la bataille de Hochstædt.
Louis XIV, qui avait proscrit le calvinisme avec tant de hauteur, fit la paix, sous
le nom d’amnistie, avec un garçon boulanger; et le maréchal de Villars lui présenta
le brevet de colonel et celui d’une pension de douze cents livres. Le nouveau
colonel alla à Versailles ; il y reçut les ordres du ministre de la guerre. Le roi
le vit et haussa les épaules. Cavalier, observé par le ministère, craignit et se re tira
en Piémont ; de là il passa en Hollande et en Angleterre. I l fit la guerre en
Espagne et y commanda un régiment de réfugiés français à la bataille d’Al-
manza (1707)...
« La troupe de. Cavalier se trouva opposée à un régiment français ; dès qu’ils
se reconnurent, ils fondirent l ’un sur l’autre avec les baïonnettes, sans tirer...
y « Il ne resta pas trois cents hommes de ces régiments.
« Cavalier est mort (à, Chelsea, en 1740) officier général et gouverneur de l’île
de Jersey, avec une grande réputation de valeur, n’ayant de ses premières fureurs
conservé que le courage, et ayant peu à peu substitué la prudence à un fanatisme
qui n ’était plus soutenu par l’exemple. » (Voltaire, Siècle de Louis X IV ,
chap. x xxvi.)/! .
' 2. C’est ce Montrevel qui, présomptueux, superstitieux et faible d’esprit, quoique très brave devant l’ennemi,
renversa un jour, à dîner, une salière ; il pâlit, disant : « Je suis mort, » fut pris de fièvre, se mit au
lit et mourut quatre jours après.
2. En acceptant la mission, il avait dit à Louis XIV : « Jë pars et je tâcherai de terminer par la douceur;
des malheurs où la sévérité me paraît non seulement inutile*, mais même dangereuse. ».