tan t sur le Larzac ou sur les massifs qui l’entourent, Aigoual, Espinouze,
Lévezou, et c’est une bise glacée, ou, comme disent les Larzacois, une aure noire,
une « rouderge » qui siffle et souffle sur le plateau, notamment en hiver quand
la neige couvre ces monts'et qu’elle ensevelit le Larzac lui-même en un linceul
de mort.
« Tant de vents, tan t de pluies; tant de pluies., tan t de sources! Aucun ruisseau
libre ne mène aux rivières de pourtour les averses tombées sur la table
de pierre; l’eau s’enfuit sous la roche, la goutte par la fissure invisible, le
torrent par la bouche d’avenc, entraînant dans l ’abîme la terre rouge et le cailloutage
dont il se charge en râpant son bassin... .
« Tous ces ruisseaux de l’ombre deviennent des fontaines-rivières, les plus
belles qui sortent de la racine de nos Causses, les unes en retentissante cascade,
les autres: silencieusement, d’un puits, par une poussée d’en bas. Tels jaillissent
à l’ensellement du Larzac la foux de la Vis, vraie mère de l’Hérault; la foux
de la Sorgues, vraie mère du Dourdou méridional'; la foux du Durzon, meilleure
branche estivale de la Dourbie; e t, parmi les foux moindres, la source
de l’Escalette, qui descend en cascade à la Lergue; les fontaines de Gourgas,
issues d ’une « fin du monde » én un superbe cirq u e , et qui vont à cette même
rivière de Lodève; les charmantes cascatell es de Creyssels, près de Millau; les
sources du Cernon, affluent du Tarn, etc. Ainsi, pas une goutte -d'eau sur le
causse, et le caussenard envie lés « gens de rivière » : quand l’été sèche mare
et citerne, il va chercher l’eau pure aux fontaines d’en bas ; c’est un voyage
qui lui prend toute la grande journée.
« Le gazon, sec, aromatique,, entretient ici des moutons à laine frisée,.racé
qu’on appelle brebis du Larzac, bien qu’elle paisse également sur les autres
déserts calcaires de ce coin du monde. Son vrai nom serait brebis du causse. Ces
bêtes-là, qui s oint par centainès de mille, boivent peu ou point et ne s’en trouvent
pas mal, ayant fini par s’adapter à l ’Arabie Pétrée qu’elles broutent; elles
donnent leur lait aux fameuses fromageries de Roquefort.
« Le berger qu’elles suivent s’abrite comme il peut, tantôt du vent, tantôt du
soleil, dans quelque pli de la terre rouge, derrière un arbre de hasard, une
haie de buis au long du sentier, un mur de pierres sèches, un tas de biocaille *;
ou il se blottit au bas d’un de ces coteaux de roche dont on prétendait que le
Larzac tire son nom (larga saxa)\ mais ce nom vient de bien plus loin dans le
recul des âges, de l ’ère des Ligures et des Celtes ou de l’époque antéceltique,
-ou même d’un teqaps plus antérieur encore. » ( 0 . R eclus.)
* « Du Languedoc méditerranéen montent les troupeaux transhumants, alors
que, pendant l’été, saison longue dans le Midi, sous l’action persistante des
fortes chaleurs, si redoutables pour ces animaux, toute végétation cesse sur le
sol desséché. C’est au nord de la chaîne des Cévennes, sur les contreforts du
versant océanique, qu’ils vont chercher leur nourriture et de meilleures conditions
hygiéniques. Là ils sont soumis à un nouveau régime ; plus de bergerie :
ils vivent parqués nuit et jour sur la montagne, sous la houlette du berger et
l’oeil vigilant de son inséparable compagnon.
« Outre la fatigue, qui n ’est pas toujours sans danger, à laquelle cette transhumance
expose le troupeau, elle entraîne encore pour le propriétaire un surcroît
de dépenses qui s’élève à 1 fr. 25 par tête, sans compter les frais de nourriture
du berger pendant toute la saison. Le départ est toujours calculé de
manière à ce que le troupeau ne soit jamais en route le 8 juin, jour de la Samt-
Médard, si redouté pour les orages qui éclatent ordinairement à cette, époque,
et auxquels une marche continue de n u it et de jo u r l’exposerait sans défense,
le privant même du peu de nourriture qu’il est réduit à chercher sur les bords
de la route. L’absence dure ju sq u ’à la veille de la Toussaint, jo u r fixé pour la
rentrée au bercail'. » - - , •' • .
Le Larzac est le plus bas des causses (700 à 900 m. en moyenne), puisqu il se
creuse jusqu’à 559 mètres au sud-est, près de Saint-Maurice-la-Clastre, et culmine
à 912 mètres seulement au nord-ouest (signal de Cougouille):, -près de Samte-
Eulalie ; le plus connu, tan t pour ses restes des temps anciens (dolmens, chaussées
romaines, commanderies de Templiers 2) que grâce à son réseau de routes.
De nombreuses voies, en effet, le sillonnent :
Une longitudinale d ’abord, de Millau à Lodève, par la Cavalerie, 1 Hospitalet,
la Pezade, le Caylar; et plusieurs transversales, coupant la première en divers
points du plateau : de Saint-Affrique au Vigan, par Saint-Rome-de-Gernon, la
Cavalerie, la Liquisse et Nant; du même au même, par Montpaon, Cornus et
Sauclières; de Lodève au Yigan, par Saint-Pierre-de-la-Fage, Samt-Maurice-
la-Clastre, Madières (sur la Yis) et le causse de Montdardier, etc.
Il est le moins pittoresque aussi, car à sa périphérie ne se creusent pas de
très grands canons (sauf la Vis et la Dourbie) et ne se hérissent ni.pas de 1 Arc,
niCapluc, niMadasse, n i RoqUesaltes, ni Rajol, n i Saint-Véran, n i Montpellierle
Yieux! -
Digne d’une visite néanmoins, pour ses sources encloses et ses vieux bourgs
fortifiés. ' ' . .
De Millau au confluent du Cernon, le Tarn demeure encagnonné d un seul côté,
et encore pas bien nettement. Creissels (734 hab. la comm., 577 aggl.) montre,
dans un joli site, un château célèbre très bien conservé, appartenant à M. dé
Galy, et un beau cirque de rochers, où le -ruisseau d’IIomède bondit en cascades.
Après le Cernon, que remonte le chemin de fer qui nous emporte, « les gorges
ne sont plus un canon dans le calcaire, mais une longue contorsion dans les
schistes, les granits, les gneiss, vêtus d’herbes courtes, de bruyères et de fougères
». Nous ne les suivrons pas : elles n ’entrent pas dans le cadre de ce livre,
A Saint-Rome-de-Cernon (349 m.; 1,393 hab. la comm., 666 aggl.), le ruisseau
de ce nom débouche de sa vallée haute (à Test) et reçoit le Soulsou, dont
Ja voie ferrée (ouverte,en 1874) emprunte le thalweg. A Tournemire (490 m. ;
1,060 hab. la comm., 955 aggl. ), quatre choses à noter : 1 embranchement du
chemin de fer de Saint-Affrique, les caves et fromageries3 illustres de Roquefort
(1,296 hab. la comm., 973. ag g l.),la grotte mal connue des Fées (F. p. 166),
e t un beau cirque rouge du Larzac, peicé„au pied, du long tunnel qui conduira
bientôt la ligne d’Albi au Yigan près des sources du Cernon, à Sainte-Eulalie
, (596 m.). A ce dernier village (1,055 hab. la comm., 708 aggl;), que domine
1. J. Pouch est» Excursion au pic Saint-Loup (Soé. langue.doc. de géogr., déc. 1880). . - . r ,
2 . M i c h e l V i r e n q u e , Des Monuments'celtiques et des légendes populaires du canton de Cornus : Mém. de la Soc
des sc ienceslettres et arts de VAveyron, t. X, 1868-1873, p- 34 et 52. — Ad. B o i s s e , Antiquités celtiques et gallo- <
romaines signalées dans VAveyron : même recueil, p. 234t-336. — Le baron d e G a u j a l , Mémoire sur les antiquités,
du: La/rzac■: Mém. de l’Institut, 1837. * . . • o r*
3. V. A. M o n t e i l , Description du département de VAveiron, t. ICP, p. 179; Rodez, an X, 2 vol, in-8° ; reimpression,
en 1883, à Yillefranche..L i m o u s i n - L a m o t h e , Mémoire sur Roquefort : Mém. de la Soc. des sciences et*
arts de VAveyron, t. III, 1841-1842, p. 137-17(1 — A. R o q u e s et J . ^ G h a r t o n , .Roquefort : Tour du Monde,.
2° semestre 1875. -