Dans les piemiers terrains (sables), il y a itnbibition, clans les seconds, suin~
tement seulement. Les terrains imbibables possèdent'les puits et les puits artésiens
: nous ne nous en occuperons pas, car ils n ’existent guère dans la région
des Causses ; les sols suintables nous intéressent seuls, puisqu’ils émettent les
magnifiques sources des vallées du Tarn, de la Jonte, de la Dourbie, de la Vis,
de l ’Hérault, etc.
Les terrains calcaires, tout disloqués, tout découpés en blocs par divers systèmes
de fractures (lithoclases) (F. p. 327), qui constituent des lignes de moindre
lésistance, se piétent mieux que tous autres au suintement des eaux pluviales5
leur état fissuré favorise grandement Yhydrognosie, c’est-à-dire la tendance de
1 eau de pluie à descendre à travers le sol ju sq u ’à ce qu’elle soit arrêtée par des
couches de terrain imperméables ; de plus, étant tout percés de grottes, ils sont
admirablement disposés pour la concentration de grandes masses liquides.
Dans les terrains jurassiques, entrecoupés de couches marneuses et argileuses,
il arrive fréquemment qu’une couche imperméable s’interpose au milieu d’une
ligne de hauteurs ; alors, 1 infiltration étant limitée en profondeur à la couche
qu’elle ne peut franchir, il se manifestera à flanc de coteau, tout le long des
affleurements de la couche imperméable, des suintements et même de véritables
sources (F. p. 127 : Montpellier-le-Yieux.) Ces sources à flanc de coteau, caractéristiques
des régions où les terrains argileux alternent avec les sables, les grès
et les calcaires, ne sont ni aussi abondantes ni aussi constantes que celles des
basses vallées, dont la masse est beaucoup plus considérable.
Une couche imperméable affleurant sur les flancs d’une vallée forme un
niveau d ’eau, et l’importance de ee niveau est d’autant plus grande que la zone
perméable qui la surmonte est elle-même plus étendue.
Les marnes supérieures du lias (toarcien), l’oxfordien, le néocomien, sont les
grands niveaux d ’eau des formations secondaires ; les marnes- du bathonien
inférieur donnent quelques minces filets d’eau. Nous allons voir ces principes
généraux confirmés dans les avens des Causses.
Un célèbre chercheur de sources, l’abbé Paramelle, a parfaitement décrit lé
mode de descente de l ’eau dans les terrains suintables :
« Les eaux pluviales qui tombent sur des roches à stratification à. peu près
horizontale et divisées par des fissures verticales en blocs de peu d’étendue, ne
peuvent pas humecter l’intérieur de ces blocs; elles ne peuvent en mouiller que
la superficie et les côtes. Comme il n existe presque pas d’assises qui soient
parfaitement de niveau, et que toutes celles d’une même stratification sont
d’ordinaire concordantes, les eaux courent sur les blocs, en suivent la déclivité
ju sq u ’à ce qu’elles rencontrent une fissure verticale qui leur permette de descendre
sur l’assise inférieure. Chaque fissure verticale de l’assise supérieure
tombant ordinairement vers le milieu d’un bloc de l’assise inférieure, les eaux
suivent l’inclinaison des nouveaux blocs ju sq u ’à leur extrémité inférieure , où
elles trouvent une nouvelle fissure verticale qui leur permet de descendre sur
1 assise inférieure, et ainsi de suite, d’assise en assise, jusqu’à la couche imperméable
qui supporte toute la masse stratifiée. » [L’Art de découvrir les sources.
p. 112. Pans, in-8°, 1856.)
Commènt se réunissent en courants notables, en sources, les gouttes d’eau
ainsi enfuies à travers les fissures des roches? C’est encore l’abbé Paramelle
q u i nous l’explique le plus clairement :
« Ces eaux pénètrent les premières couches de la terre, où elles portent le
nom d ’humidité, se mêlent intimement à elles, en remplissent tous les pores, et
paraissent n ’avoir aucun mouvement. Cependant toutes celles qui échappent à
1 évaporation et à la succion des plantes ne restent pas un instant immobiles.
En vertu de leur liquidité et de leur pesanteur, elles descendent continuellement.
Leur mouvement est lent, insensible et dirigé par les interstices de la
terre qu’eîles rencontrent. Les particules d’eau, descendant avec des vitesses
inégales; se rencontrent, s’associent les unes aux autres, forment d’abord d’innombrables
et imperceptibles veinules, qui s’accroissent peu à peu et deviennent
des filets perceptibles. Ces filets d’eau, continuant de s’enfoncer sous terre,
en reçoivent d autres à divers intervalles, rencontrent des couches imperméables
qui leur font prendre une direction oblique de moins en moins inclinée,
et finissent par former des cours d eau souterrains, dont le volume1 augmente à
mesure qu’ils s’éloignent du lieu de leur origine-
«-:Ln voyant sourdre une source, on né doit donc pas, ainsi que le font un
grand nombre de personnes, se la représenter comme formant sous terre un
cours d eau unique, horizontal et de même volume dans tout son parcours. Toute
source est le produit d’une infinité de veinules et de petits filets d’eau que l’on
voit se montrer à la surface du terrain. La formation d’une source et sa circulation
sous terre sont assez semblables au mouvement de la sève dans la racine
rampante d’un arbre » (p. 113),
Nos recherches de 1889 ont pratiquement démontré le bien fondé de eette
remarquable théorie. Nous n ’avons nulle p a rt rencontré les immenses réservoirs
ou sources mères dont 1 abbé Paramelle a fait justice dans les termes suivants :
« Cette .manière d expliquer la formation et l’écoulement des sources sous terre
est beaucoup plus naturelle, mieux confirmée p ar toutes les fouilles qui se font
journellement, que la supposition de ces lacs, réservoirs, bassins et amas d'eau
souterrains que personne n a jamais vus fonctionner et dont parlent un grand
nombre d’auteurs, sans en citer un exemple. Tout en admettant que ce sont les
eaux pluviales, qui produisent les sources, ces auteurs n ’ont pu concevoir la
formation et l’écoulement d'une'source sans imaginer un réservoir rempli d’eau
et placé dans l’intérieur de la montagne pour l’alimenter. Iis nous représentent
ces réservoirs comme se remplissant au temps des pluies, percés dans leur fond
pour laisser sortir peu à peu l ’eau qu’ils contiennent, et entretenant chacun sa
souice jusqu à ce qu ils soient à sec. L ’abondance et la durée de chaque source
est proportionnée à la capacité de son bassin et au diamètre de l’orifice par
lequel elle s’échappe. D’autres, en voyant plusieurs sources s ’épancher autour
de certaines montagnes, se sont imaginé qu’il y a, au coeur de chaque montagne,
un réservoir unique qui fournit l’eau à toutes ses sources ; d’autres, sans
se demander comment cela peut se faire, croient qu’une grande source, qu’ils
appellent la source mère, existe au coeur de chaque montagne, qu’elle se divise
et se subdivise en descendant, et fournit l ’eau à toutes les sources qui surgissent
à son pourtour.
« Tous ces réservoirs et toutes ces sources mères qu’on a supposés au coeur
des montagnes pour alimenter les sources doivent donc être relégués parmi les
chimères.
« Je ne nie pas, sans doute, que les sources, dans leurs cours souterrains, ne
puissent quelquefois traverser des bassins remplis d ’eau ; cela arrive principa