dant la plus grosse bourgade des bords du Tara jusqu’à Millau (1,899 hab.
pour la commune., 996 agglomérés); sa situation et la culture de la vigne ont
,fait sa fortune. Une colonie romaine y a existé1.
La route d Ispagnac-à Mende, qui remonte vers le nord le grand ravin de
Molines, est connue depuis plus de sept cents ans sous le nom de l'Estrade • au
commencement du xviiT siècle, l ’intendant Lamoignon de Bâville la fit refaire pour
réduire les Camisards insurgés, et jusqu’à nos jours elle a été la seule voie un peu
importante qui accédât au haut' Tarn.
L Estrade du causse de Sauveterre sert encore à une curieuse industrie, sur
laquelle M. de Malafosse donne les détails suivants :
« Ispagnac, étant une sorte de jardin au milieu d’un pays à climat très rigoureux,
voit arriver, depuis le commencement d’août jusqu’à la mi-octobre, un
nombre très considérable de paysans de certains villages des hauts plateaux granitiques,
qui viennent y chercher des fruits. On a nommé ces sortes de muletiers
des carrabiniers, je mets deux r, car il ne faudrait pas les confondre avec des
porteurs de carabine. Leur dénomination doit venir du verbe carreja, charrier.
« Menant avec eux un ou plusieurs mulets ou chevaux portant des hottes, ils
partent, après chargement en poires, prunes, pommes et raisins (mais surtout en
poires), pour des cantons très éloignés, jusqu’au coeur du Cantal. Ces fruits, meurtris
ou poussiéreux, sont portés dans les foires et lès marchés de villages où
n existent pas d arbres fruitiers, et sont avidement recherchés par des paysans
peu délicats...
« Cette industrie des carrabiniers étant le fait de gens peu fortunés, - ils n ’ont
aucun orgueil pour les chevaux ou mulets employés. On ne peut se douter, à
moins de l ’avoir vu, du parti qu’un carrabinier doué d’un bon bras, et sachant
convenablement crier et surtout jurer, peut tirer d’un cheval qui n ’a que trois
jambes, et d’un mulet d ’un âge fantastique.
« Un vieux proverbe dit qu’un carrabinier qui connaît bien son métier doit
savoir toujours sq monter avec 30 francs. Il est vrai de dire que bien souvent
la bête de 30 francs (le taux a augmenté dans ces derniers temps) meurt à la
peine au milieu du chemin et compromet sa cargaison de poires, quelque solides
qu’elles soient. Aussi ai-je vu plus d’un dé. ce« industriels me dire qu’en leur
métier on ferait fortune) si ce n ’étaient les pertes de montures et les avaries de
leur cargaison dans ces.cas extrêmes! »
Du monastère de bénédictins fondé au moyen âgé et supprimé en 1789, il ne
subsiste que d’insignifiants débris; l’église même est totalement défigurée,;.elle
date du xne siècle et renfermait un autel votif gallo-romain transformé en support
de bénitier et récemment brisé. Dans les rues tortueuses du bourg, on remarquera
quelques maisons blasonnées du xvi® siècle plus ou moins détériorées,
anciens hôtels des nobles de la région, que la douceur du climat attirait à Ispagnac
en hiver.
1. Le Bulletin de la Société d!agriculture de Mende contient les procès-verbaux des États du Gévaudan,
.riches en détails historiques, ët de nombreuses pièces de diverses archives^ transcrites par MM. André,
l’abbé Baldit, Roussel, sénateur, l’abbé Bosse et l’abbé Charbonnel. M. de B.urdin a-aussi publié en 1845.
deux volumes de documents pour servir a l’histoire du Gévaudan.
En 1882, il a été imprimé un inventaire des pièces inédites contenues aux archives, et M. André a aussi
publié de nombreux documents, provenant des minutes d’anciens notaires,, qui vont jusqu’au x n c siècle.
V. enfin : Ispagwc et son prieuré, notices historiques .par.F. André;-archiviste, en, deux parties. — Annuaire
de la Lozère, 1865 et 1866.-
A cheval sur l’unique voie de communication ouverte entre Mende et les Cé-
vennes, et commandant la route du causse, Ispagnac avait une .grande importance
stratégique; aussi était-elle, au moyen âge, èntourée d’épaisses murailles
flanquées détours. En -1562, lorsque le baron d ’Alais, avec ses calvinistes, vint
piller la riche église collégiale de Sainte-Marie-de-Quézac, il n ’osa attaquer Ispagnac.
Dix-huit ans plus tard, et pendant les guerres de religion du règne de
Henri III, Mathieu de Merle, habile et rapace chef de partisans protestants,
tenait tout le Gévaudan sous la terreur de sa bande de soudards; maître de
Mende ( V. chap. XVIII),' il voulut attaquer Ispagnac et l’investit ; mais il dut
attendre, pour l ’emporter, l’arrivée d’un de ses compagnous d’armes, Gondin,
qui avait reçu du prince de Condé Henri I er un régiment à peu près organisé.
Parmi la longue chronique locale d’ispagnac, le siège de Merle en ÎS80 e st le
seul épisode digne d’être narré, car il appartient aux annales de l’histoire de
France, et tout le long du canon on retrouve lé souvenir des exploits du fameux
capitaine calviniste, né à Uzès en 1848 et mort en 1890.
Voici d’ailleurs le récit même de Gondin 1 :
« Ledit prince de Condé... commande au sieur Gondin, maréchal de camp,
de s’acheminer avec son régiment de huit enseignes du côté'de Monde, pour
aviser à ôter les forts que les catholiques tenaient entre les CévenneS et Mende.
Etant arrivé ledit Gondin à Molines (fin de novembre 1880), près la ville d’ispagnac,
et ayant conféré avec aucuns gentilshommes desdits pays des Cévennes.
Porquarès s’achemine'à Meyrueis pour faire marcher pouldres. Merle va faire
partir de Mende deux, canons et une bâtarde qu’il avait fait faire, et une quantité
déballés, en faisant fondre la grandé cloche tant renommée (la Non-Pareille).
Gondin alla bloquer la ville d’Ispagnac avec ses troupes et quelques compagnies,
du pays.-Etant arrivés Porquarès et Merle dans quatre jours après, avec poudres,
balles et lesdits canons, descendus à la descente de Molines, presque inaccessible,,
et; la façon qui furent descendus, ayant attaché vingt paires de boeufs par-
derrière le canon pour le retenir qu’ils ne prissent la descente et tiré seulement
par une paire au devant, logèrent le même soir les canons joignant des maisons
du côté de Florac. Le jo u r suivant, de bon matin, commença la batterie. Sur le
soir, on se loge sur une tour, faisant le coin de là ville, que le canon avait
abattue, attendant le jo u r d'après pour faire élargir la brèche et donner l’assaut;
mais, sur la minuit, les soldats de la garnison, en nombre de quatre-vingts à.
cent, prirent telle appréhension d’être forcés, qu’ils persuadèrent à M. de Lam-
bradès, leur gouverneur, de déloger avec eux : ce qu’ils firent à l’instant, sortant
en foule, passant la rivière du Tarn au gué, grimpant la montagne de Notre-
Dame-de-Quézac, où aucuns furent tués, et pris prisonniers, les autres se sauvant
sans armes à Quézac,
« Le jour suivant, Gondin avec son régiment et autres compagnies des Céven-
nes vont bloquer le château de; Quézac; Porquarès et Merle font marcher le
canon, qui fut mis en batterie sur le soir; ayant tiré environ deux cents coups de
. canon, n était encore la brèche raisonnable. Deux soirs après, font un trou audit
château par derrière, passant certaine.garde du côté de la rivière du Tarn et se
( 1; f iS - p ,dan* B : Pièces fugitives du marquis d’Auhaïs, qui tout partie de la collection Michaud et Pou-
1p tnt*6 ^m »A e^6 R i v e m e n t éditées comme suit : Pièces fugitives pour servira l’histoire de France, par
D AuÎ a!s’ 1759, 3 vol. in-8°. Le tome .1« contient « les Exploits de Mathieu de Merle, baron de Sa-
j P î- le capitaine G o n d i n ; 2° le Voyage du duc de Joyeuse en Languedoc. .