Aux pieds et autour du spectateur s’étend et se déroule près d’un quart do
notre territoire, au sein des régions mêmes où la nature a épuisé toutes ses
ressources et tout son art pour accumuler les merveilles. A l’est, l’étincel-
lement des neiges éternelles ruisselant sur les épaules des Alpe's ; au nord, la
richesse des nations, l ’agriculture et l’industrie, épanouissant au grand soleil
les pacages des Cévennes, les campagnes de Rhône et Loire et lès usines des
cités ; loin à l’ouest et tout près aux premiers plans, la toute-puissance du feu
central, effrayante encore à contempler dans les cendres grises, les coulées noires
et les cônes rouges de l’Auvergne et du Yelay; vieux volcans muets et décrépits
à jamais selon les uns, suivant les autres assoupis seulement et réservant aux
siècles futurs une résurrection destructive et de nouvelles Pompeias.;au sud, à
l’extrême bord de l’horizon, l’infini de la m e r confondu avec celui du ciel, dans
un même azur. Les quatre éléments des anciens : l’air et le feu, la terre et l’eau,
manifestés sous toutes leurs formes les plus grandioses, tel est le panorama
complet du Mézenc : assurément il est fort rare (nous avons vu au cbap. XV
pour quelles raisons) de le posséder ainsi tout entier; et quand on a pu jouir
pleinement d’un spectacle pareil, c’est presque un devoir de dresser au moins la
liste de ses tableaux les plus marquants, sans essayer toutefois une description
eu une peinture infaisables : les mots manquent, comme les couleurs, pour faire
comprendre les éblouissements de ces décors de féerie.
On trouvera dans le Guide Joanne les renseignements pratiques sur les voies
d’accê’s au Mézenc, très facilement abordable, et dont tous les environs, aussi
bien vers le Puv qu’autour do Vais et dans les Coirons, valent dignement un
voyage spécial. L’excellent Itinéraire n ’a qu’un seul, tort ’c’est de croire le
panorama du Gerbier-de-Jonc supérieur à celui du Mézenc, plus élevé d’ailleurs
de 203 mètres.
Si, venant de l’ouest (du Monastier ou du Puy;• et montant au sommet par la
pente douce desEslahles (l,3|4)À.‘|jïé^tiôùristej:céliii' ménlo pour lequel les splen-'
deurs des hautes neiges; h ’ont plus de surprises)1 débouche' subitement sur la
crête terminale entre les trois cornes, avec un éclairage propice, le saisissement
éprouvé à la vue de tous, les glaciers sera l ’une des vives émotions de sa vie.
Mais n ’anticipons pas, et, cette partie du panorama étant l ’apothéose du spectacle,
réservons-la pour la fin.
Droit au sud d’abord, entre le pain de sucre du Gerbier-de-Jonc (1,551 m.)
à gauche (ainsi nommé à cause de sa forme en meule de gerbes) et le TanargUe
(1,519 m.), plus éloigné, à droite, on distingue, au delà des plaines de Montpellier,
un tout petit coin de Méditerranée; dans un éloignement de 147 kilomètres,
presque à la limite de l’horizon sensible ^159 kil.) ( V. chap. XV), la
zone d’eau visible n ’est certes pas large (12 kilom.); bien des incrédules la
réduiront encore aux proportions d’une illusion d’optique ! Que ce minime fragment
d'océan soit chose insignifiante et dénuée d’intérêt dans l’immense variété
de 1 ensemble, d’accord : il n ’en est pas moins incontestable qu’avec certains
jeux de lumière on voit assez distinctement les vagues blanches écumer sur les
cordons littoraux de la baie d’Aigues-Mortes pour affirmer que du Mézenc on
aperçoit la mer.
Perpendiculaire à l’axe des Cévennes, allongée comme un toit vu en travers,
la Lozère (1,702 m. au signal A de Finiels) ferme l’horizon sud-ouest. Par derrière
se cache, presque ignoré encore du public, ce merveilleux pays de contes
bleus appelé les gorges du Tarn, qui fera, d’ici peu d’années, une si rude et
légitime concurrence à la Suisse même.
La presqu’île granitique de laMargeride (1,554 m. au signal deRandon), ligne
de partage d’entre Allier et Lot, est isolée sur trois côtés par le golfe jurassique
des Causses et l’hémicycle éteint de l ’Aubrac, de Murât et du Velay. Elle rattache
les Cévennes aux gibbosités du Cantal et du mont Dore, gracieusement bombées
à 30 lieues vers l’ouest. A voir d’aussi loin les pentes douces et la faible saillie
de ces deux brasiers morts, on ne soupçonnerait guère la beauté des crevasses
et découpures que les éruptions
et les déluges ont taillées
dans leurs flancs éven-
trés et su r leurs crêtes
écroulées. Puis viennent les
cônes des monts Dôme, les i
derniers-nés de tous ces cratères
, quelques-uns ronds
comme des coupoles byzantines,
d’où leur nom si bien
mérité : le puy de Dôme
(1,465 m.)les surmonte tous,
pareil à l’hémisphère de
Sainte-Sophie au-dessus des
^mosquées de Constantinoplè.
— Plus près, le bassin te rtiaire
lacustre d’où émergent
les dykes palagonitiques èt
les églises byzantines du Puy
Semble avoir germé, fraîche
oasis de verdure, entre les
débris et les ruines des explosions
basaltiques-, rappelons
ici pour mémoire que
les caprices de la nature et *
les architectes du moyen âge . ta- Gleizasse. -h Phot. Violet,
ont fait de cette ville presque (Communique parle Club alpin.).
une huitième merveille du monde. — Plus proches encore, dépendant du Mézenc
et dans un rayon de trois lieues, le lac ovale d’Issarlës (997 m.) au sud-ouest,
émeraude enchâssée dans un anneau de tuf; celui d’Arcone au nord (1,232 m.);
à l’est et au sud-est, les gorges fissurées et l’amphithéâtre profond de 500 mètres,
prétendu cratère, des Boutières, alternent, au bas des trois cornes, avec les dents
et bosses phonolithiques jetées en désordre sur les plateaux. Les plaines du Forez
et du Lyonnais fuient à perte de vue au nord, opulentes de culture et d’industrie,
embrumées par les vapeurs des grandes villes.
Mais le vrai fleuron de la couronne panoramique, la force attractive qui rive
les yeux vers Test, la vision féerique que la plus fine buée peut transformer en
rêve évanoui, en légende invraisemblable, c’est la chaîne entière des Alpes françaises,
élevant au ciel son blanc diadème ; c’est le rideau d’argent bleu déployé,
sur 300 kilomètres, du Faucigny à la Provence. De Notre-Dame de Fourvières, à