Ajoutons que le premier comte d’Armagnac avait été Bernard le Louche, en
960 ; sa race dura donc plus de six siècles.
Dans les guerres de religion, faites de coups de main, le château, trop vaste
pour être bien défendu, né fit que passer perpétuellement et par surprise d’un
parti à l’autre. Le fameux Merle lui-même le tint quelque temps, en 158-1.
Enfin, en 1633, sur l’ordre de Richelieu, la place fut ruinée.
En dehors du fort, la vieille église de Saint-Hilarion ne sert plus de paroisse
depuis 1780. Celle de Rivière l’a remplacée; aujourd’hui les villages modernes
ont partout abandonné le pied des vieux burgs jadis protecteurs ; ils no vont plus
qu’y arracher des pierres pour bâtir leurs maisons neuves, le long des routes,
dans les vallées basses, tant sont violents les contrastes que la mutation des
choses et la révolution des âges produisent dans le cours des temps !
L’ermitage Saint-Michel est sur le causse Noir, au-dessus do la vallée do la
Jonte, dans une direction tout opposée.
A hauteur du confluent du Tarn et de la Jonte se trouve la partie la plus
étroite de la table du causse Noir. Dans l ’axe de la coupure’ rectiligne que suit
le Tarn depuis son grand coude au cirque des Baumes, le ravin d’Aleyrac,' derrière
Peyreleau, entaille le plateau presque ju sq u ’à son faîte (environ 800 m.) ;
près de la cote 816, voisine du point de partage des eaux, un autre ravin venu
du nord-est, celui du Mou-Sec, s’infléchit au sud e t, continuant la direction
transversale au causse, tombe dans un troisième canon, celui de la Dourbie, à
la Roque-Sainte-Marguerite (400 m.). De ce village à Peyreleau sur. la Jonte,
la distance à vol d’oiseau est de 7 kilomètres. Le sentier de piétons en mesure à
peu près 1 1 ; 2 de plus environ allongeront la route quand elle sera terminée ;
pour faire cette traversée en voiture, il suffirait de construire, à partir d’Aleyrac
-(732 m.), un embranchement descendant au Riou-Sec. Ce travail n ’aurait rien
de colossal; le plus difficile est fait(côte et lacets de Peyreleau à Aleyrac,-route
de Saint-André-de-Vézines), et la descente aù Riou-Sec ne demandera pas tant
de peine. D’ailleurs, les communes intéressées étudient sérieusement ce projet,
en voyant leur pays naîtré à la célébrité.
La route d’Aleyrac est un des trois chemins qui mènent à Saint-Michel. Parvenu
sur le plateau, entre les cotes 732 et 816, on tourne à angle droit sur la
gauche, pour se diriger vers l’est jusqu’aux ruines de -l’église Saint-Jean-de-
Balmes; cette construction du xi8 siècle, remaniée et augmentée au xni8, intéressera
vivement les archéologues par son clocher c a rré , ses épaisses murailles,
ses arcatures doubles en plein cintre, et l ’influence manifeste qu’on y
reconnaît du style romaii auvergnat. C’est la Révolution qui l’a dégradée. On
raconte qu’à la fin du siècle dernier, le vieux curé de Saint-Jean-de-Balmes fut
assassiné et enterré devant son église même, par des bandits, qui mirent ensuite
l’ermitage à sac : son chien, disent les vieillards du pays, descendit à Peyreleau
et fit tant par ses gémissements et ses manèges singuliers que plusieurs personnes,
soupçonnant une calastrophe, suivirent l’intelligent animal jusqu’à Saint-
J e an ; là, près du porche de l’église„pillée, la pauvre bête se mit à gratter convulsivement
un coin de terre fraîchement remuée; les paysans comprirent alors,
et c’est ainsi qu’ils purent recueillir les restes du vénérable prêtre et lui rendre
les derniers devoirs. On ajoute, bien entendu, que le chien mourut en revoyant
le corps de son maître et-’que les assassins furent retrouvés et exécutés. Légende
ou vérité, l'anecdote est curieuse à recueillir : le chien de Saint-Jean-de-Balmes
n ’était-il pas de la même famille que celui d’Aubry de Montdidier, que l ’histoire
a célébré sous le nom de chien de Montargis ?
— A 900 mètres d’altitude, en plein causse désert et tout moutonné de mamelons
-chauves, au milieu de chaos pierreux où s’étiole une végétation rachitique, avec
les premiers plans de l’horizon déchirés tout alentour par les dents dolomiti-
ques du rebord des causses, prêtés à broyer au bas de leurs murailles l’imprudent
qui en tenterait l ’escalade, Saint-Jean-de-Balmes étonne et plaît au premier
coup d ’oeil: sa tour massive et ses voûtes délabrées sont d’un grand effet dans
Ermitage Saint-Michel, — Dessin de Vuillier, phot. Chabanon.
(Communiqué par le Club alpin.)-
la solitude sauvage et font de ce lieu un tableau sévère et original, digne préambule
des surprises prochaines.;
Arrivé là, il faut, pour regagner le bord même du plateau, tourner au nord en
quittant la route, monter à travers champs à 908 mètres, entre les métairies de
Massabiau et de la Bartasserie, puis redescendre vers la Jonte d’une centaine
de mètres environ. Soudain, à un détour du sentier, une profondeur énorme se
creuse à nos pieds, accrue encore par l’obscurité impénétrable d’un bois de hêtres
et de pins : une clairière ensoleillée s’ouvre quelques pas plus loin, et nous voilà
cloués sur place, muets d’admiration devant le tableau de l’ermitage Saint-Miquel
ou Saint-Michel et son cadre de canon américain.