donjon naturel du causse Noir, qui, sur la rive gauche du Riou-Sec, semble un fort
avancé de Montpellier-le-Vieux et surpasse même sa citadelle de 16 mètres. Le
pseudo-château fort doit son nom à sa figure saillante et à sa position élevée
(846 m.). Au milieu d’un amoncellement de blocs informes et de remparts crénelés
surgit une haute tour lézardée en trois piliers : ce sont les Itoques-Altes
(roches hautes) proprement dites, jadis masse..unique et homogène ; les pluies,
la foudre et la gelée ont tronçonné ,ce mastodonte dolomitique en trois obélisques
pyramidaux ; une petite plate-forme herbeuse occupe leur centre, d’où
plusieurs corridors étroits descendent au dehors. La hauteur est, à l'intérieur,
de 20 à 30 mètres; à l ’extérieur, de 4 0 à 80, et le sommet n ’est pas accessible.
Quelques pas plus loin, un peu en contre-baS, un roc isolé, haut de 10 à 12 mè-
R o ch e tro u é e d e Cau sso u . — P h o t. G. Gaupillat.
très, est percé d’une porte ogivale de 8 à 6 mètres d’élévation sur 2 de large,
véritable poterne habilement dissimulée dans un pli de terrain ; la forme et
l ’emplacement font la plus trompeuse illusion. Tout autour abondent les
ouvrages de défense dans cette Carcassonne naturelle ; à travers les embrasures
et les meurtrières qui trouent ses murs de pierre, les échappées sur Montpellier-
le-Vieux, loin à l ’ouest, font pousser des ailes aux imaginations les moins
aériennes. Ne dirait-on pas les ruines de deux puissantes cités militaires bombardées
l’une par l’autre , ruines aussi bien campées et plus grandes que celles
des vieux burgs du Rhin?
Dans le prolongement de Roquesaltes nous avons visité pour la première
fois, le 13 ju in 1889, le sauvage entassement de rocs appelé le Rajol, jusqu’alors
complètement inconnu ; il est littéralement suspendu sur la crête du plateaü,
à 400 mètres au-dessus du thalweg de la Dourbie, et fait, à l’est de Montpellier-
le-Vieux, pendant à Caussou (à l’ouest). — Là les mots manquent pour décrire,
tan t les caprices de la nature sont surprenants. Sur 800 mètres de longueur et
300 de largeur on ne v oit que statues géantes, pilastres architecturaux, pyramides
sculptées, portajls romans ou gothiques, bastions puissants et chemins de
ronde en encorbellement. Une douzaine d’obélisques aux formes contournées
et hauts parfois de 20 mètres rappellent de loin soit une procession de moines
en cagoules, soit les piliers d’une salle hypostyle déséquilibrés par quelque
tremblement de terre ; l’un d’e u x , couronné' d’un vrai chapiteau et élevé de
18 mètres, devrait s’appeler la Colonne égyptienne. (F. la gravure): Au milieu de
ces fausses ruines se dresse un donjon naturel, avec ses créneaux et ses meurtrières,
à travers lesquels on passe la tête pour voir couler la Dourbie dans, lé
vertigineux précipice de, 1,200 pieds de profondeur. Au bord est percée la dou-
Roquesaltes. —; Phot. Julien.
ble porte du Dromadaire : ici deux ouvertures ovales ont été, dans la_ roche,
creusées juste l’une au-dessous de l’autre. L’architrave de la plus élevée forme
la tête et le cou du dromadaire, qui a pour bosse une protubérance du roc. D’un
point de vue favorable, la ressemblance est absolument risible. E t il faut plusieurs
heures pour examiner toutes ces étrangetés, artistement fouillées par le
burin de l’érosion à même les assises du causse. Malheureusement, tout cela est
en France, pas assez lo in , si bien que le touriste passe tout près, en gagnant
les Pyrénées ou la Méditerranée,-sans se douter que l’Amérique même, avec ses
fantastiques paysages, peut presque nous envier ceux des Causses.
De la Roque, la récente route de Saint-André -de-Vézines remonte le ravin
de Montméjean, sans intérêt. Une autre, terminée en 1889, conduit S kilomètres
plus loin à une nouvelle curiosité, Saint-Véran, où l’on monte aussi du
Poujol, en traversant la rivière sur un petit pont, si on a suivi la route de la