rendit sa belle âme à Dieu, entre son fils et sa mère, à l’âge de trente-deux ans,
pleurée de tous ceux qui l’avaient approchée (5 juin). Une foule immense déposa
son corps dans le tombeau de ses pères.
Sa mère ne vécut plus que pour la venger; le marquis, coupable au moins
d indifférence, fut privé de ses litres de noblesse, banni à perpétuité ; on confisqua
ses biens. Par contumace, le Parlement de Toulouse condamna, le 21 août,
les deux- meurtriers à être rompus vifs ; l’abbé P e rr e t, envoyé aux galères
perpétuelles, mourut avant d’y arriver. Au service de la république de Venise,
dit-on, et pendant le siège fameux de Candie (1666-1669), le chevalier et le marquis,
qui s’étaient rejoints dans leur fuite et leur exil respectifs, trouvèrent,
mais trop glorieuse, la mort qu’ils méritaient (celle fin est controversée). L’abbé
échappa plus longtemps au châtiment : un nouveau forfait le lui valut. Passé en
Hollande, chargé, à Ulrecht, de l ’éducation du fils du comte de la Lippe, il enleva
sa fille et fut l’épouser à Amsterdam. Six mois après, un soir, dans la rue, un
inconnu l’aborda : « Tu es l’abbé de Ganges ; je venge ta victime. » Et il lui brûla
la cervelle. Jamais on ne retrouva ce justicier!
Telle est la romantique tragédie déroulée au château de Ganges1.
. « L ’Hérault ( 197 kil. de cours) naît sur le versant sud du granitique Aigoual.
Si prompte est d’abord sa courâe, qu’à moins de 10 kilomètres de sa première
fontaine, à Valleraugue, son altitude n ’atteint même plus 350 mètres. Comme
les pluies qui tombent sur l’Aigoual, des plus capricieuses qu’il y ait en France,
s’y versent par énormes orages, il arrive parfois que l’Hérault passe devant ce
bourg avec une puissance de fleuve; mais en temps ordinaire ce n ’est ici qu’un
pur et tout petit torrent.
« Augmenté de -plus long et plus grand que lui, de l’Arre, qui rassemble
les torrenticules du délicieux pays du Vigan, l ’Hérault s’avance à la rencontre
de la Vis par de beaux défilés, profonds, bien taillés; 8 y dort entre les
roches, ou se brise aux blocs, ou glisse vivement sur les cailloux. Le confluent
est à 1,200 mètres en amont de Ganges, par environ 150 mètres au-dessus
dés mers. Sauf après quelques-unes de ces tornades fréquentes dans notre
Midi, le torrent de l’Aigoual roule deux à trois fois moins d’eau et une eau
moins vierge que Je flot puisé par la Vis aux couloirs souterrains do l'ooli-
thique Larzac, et son cours est deux fois plus bref. Mais il garde la direction;
et la n ature, l’aspect, l ’illumination du pays rattachent l ’Hérault supérieur
à 1 inférieur bien plus que la Vis, dont le val est d’apparence- moins méditerranéenne.
» (O. Reclus.)
Au sud de Ganges il y a encore d’admirables paysages à contempler; c’est
toujours le pays des Causses, avec ses calcaires, ses eaux cachées et ses grottes;
mais c’en est l’extrémité méridionale, sous l’intensif soleil de Provence. Suivant la
rive gauche de l’Hérault, nous passons au pied du curieux château de la Roque.
Les maisons blanches scintillent au soleil; les talus jaunes semblent calcinés ;
ce n ’est plus ie même aspect que la vallée de la Vis.
Ici le pays est brûlé; la lumière est tout autre. Au delà de la Roque, la route
pénètre dans un beau défilé de 1 kilomètre de longueur, aux roches dorées
par le soleil et mouchetées de buissons de chênes verts. Sur la rive gauche sont
les escarpements (200 m. environ) de la montagne de Thaurac, qui renferme
1. V. d e F o r t i a d ’U r b a n , Histoire de la marquise de Ganges; Paris, 1810; — Â.-E. M a z e l , La Première Marquise
de Ganges; Paris, 1885, in-12 (consciencieux travail de critique historique). -
la célèbre grotte des Demoiselles (ait. 370 m.) *, connue depuis plus d’un siècle
et découverte les 7 juin et 15 juillet 1780 par Marsolier des Vivetières.
Sur la foi d’un plan inexact, le Guide Joanne des Cévennes (qui donne d’ailleurs
475 m. d’alt. à l’orifice) déclare que le fond inconnu de la grotte se trouve
à peu près au niveau de l’Hérault et que l’on doit' opérer ainsi une descente
de 334 mètres. Tout cela est fantaisiste. Le fond, en effet, n ’était pas connu : nous
ne l’avons atteint que le 28 juin 1889; mais il est formé par un simple puits
de 25 mètres de profondeur, sans intérêt, semblable à ceux des avens et rempli
d’argile ; sa base est à 90 mètres seulement en dessous de l’entrée de la grotte,
soit, à 140 mètres environ au-dessus du niveau de l’Hérault. La caverne n ’a
- Gorge de l’Hérault : muraille de Puéchabon. — Phot. G. Gaupillat.
même pas 500 mètres de ramifications en tout et ne vaut en aucune façon celle
de Dargilan ; toutefois la plus grande salle, dite de la Vierge et haute de 48 mètres,
est vraiment une des plus belles que l’on puisse voir : on y remarque surtout
la stalagmite de la Vierge, un grand clocher et un porche naturel haut de 6 mètres
et large de 3.
Sur la rive opposée de l’Hérault, le mur est moins élevé; bientôt on aperçoit
au sud le grand portail de Saint-Bauzille-le-Putois (135 m.) et, par delà, un large
bassin; c’est extrêmement beau, très simple, très sévère et adorablement éclairé.
Entre les villages de Coupiac et de Brissac, un réservoir intérieur de la Séranne
s’écoule, près de cette dernière localité, par une petite rivière qui, sur un parcours
1. M a r s o l i e r d e s V i v e t i è r e s , Description de la baume ou grotte des Demoiselles, près Ganges. 1785, in-8®. —
B o u t i n , Notice sur les grottes de Ganges. Montpellier, 1864, in-8°, 15 p. et pl. — B r u n e t , Grotte des Demoiselles,
à GangeSw