ment abandonnée il subsiste des laveries, des aqueducs, et une grande cheminée
perchée, d’une façon très originale, haut sur le flanc de la montagne, le tout
presque neuf, n ’ayant pas dix ans d’existence et déjà réduit au silence!
À Saint-Élienne-du-Valdonnès (1,218 hab. la comm., 548 aggl.), on aperçoit le
plus petit de tous les Gausses, celui de Balduc (1,600 m. de long, j600 do large),
haut de 1,100 mètres, couronné de sa chapelle Saint-Àlban, dominant la plaine
de 340 mètres, très étrange île de calcaire isolée qui, sous certains points de vue,
a la forme exacte d’une carène de navire à éperon. Descendant le ruisseau du
Yaldonnès, grossi à droite par celui de Bramont ou Brémont, la route laisse successivement
à droite Balduc, le chemin carrossable de Lanuéjols, la muraille sud
du causse de Mende, et atteint à Balsièges le Lot, la voie ferrée et la route de
Mende à Ispagnac. (F. p. 68.)
CHAPITRE XVI I
.L E MONT LOZÈRE
Les deux routes de Florac à Pont-de-Mdntverl. —-Haute gorge schisteuse du Tarn. —. Cascade
de Runes. •— Col de Sainl-Maurice..— Yialas, la p luie et le p lomb. —; La montagne plateau.
—- Cirque d e Costeilades et roc Malpertusj:— Vue des Alpes et des Causses. —Les protestants.
— Les anciens glaciers : Palhères et -Bellecoste.
Deux routes unissent Florac à Pont-de-Montvert, situé au pied du mont
Lozère et des sources du Tarn. Celle du bas, achevée en 1885, suit la rive droite
et tous les détours du T a rn , au lieu de s’élever sur le plateau de Fraissinet-de-
Lozère (1,059 m.) pour éviter l’étroit défilé excavé par lés eaux; l’ancienne
route laissait admirer la cascade de Runes, mais la nouvelle offre un spectacle
bien plus varié et plus attrayant : la suite d’encaissements profonds et de ravins
sinueux, où le Tarn serpente de Bédouès (575 m.) à Pont-de-Montvert (896 m.),
est vraiment le digne vestibule de la féerique galerie sculptée plus bas entre
les-Gaussés. Celle du haut, plus vieille, qui ne contemple pas les beaux reploiements
du Tarn entre des schistes d’aspect alpestre, passe du moins à côté de la
magnifique chute d’eau qui n ’a point de rivale dans la France centrale." :
A 800 mètres de Florac, on saute sur la rive droite du Tarnon, qui, 700 mètres
plus loin, fait, sous sa pression majeure, céder le grand Tarn vers le nord. Sans
franchir le pont du Tarn (536 m.), on tourne à l ’est, laissant à gauche les routes
du canon et d’Ispàgnac, du col de Montmirat et de Mende.
Aucun souvenir historique ne s’attache à l’insignifiant château d’Arigès, placé
au milieu d’une vaste prairie, baigné par les'eaux du Tarn et se détachant dans
la vallée sur un fond de verdure, entouré de montagnes nues et arides.
Non loin d’Arigès se trouve le petit village de Bédouès, très coquet (512 hab.
la comm., 173 aggl.).
De hautes cimes formant un cercle régulier ; dans ce cercle, un groupe de
maisons, dominées par un élégant clocher ; aux environs, des prairies fertiles,
des champs couverts d’arbres fruitiers ; les eaux limpides de la rivière ; de
grands arbres ombrageant mille sources fécondantes ; voilà Bédouès. Son église,
du xiv” siècle, jadis fortifiée, a perdu tout caractère dans un remaniement
récent. On y a retrouvé en 1854 le caveau funéraire de la famille du pape
Urbain Y 1.
Ensuite vient Cocurès (348 hab., 348 aggl. ; 624 m.), qui a gardé le souvenir
lugubre des guerres de religion. Le lit du Tarn se resserre. Entre Cocurès et
Mirai, on y remarque une série de bassins naturels creusés dans le granit.
La route fait un léger contour et amène brusquement à l’extrémité d’un petit
monticule. En face se" dressent les hautes murailles du château àe Mirai. Bâti
sur les bords d’un précipice, il n ’est accessible que d’un côté. Les robustes
murailles ont résisté aux coups du temps. Les salles sont encore intactes, mais
les seigneurs de Runes ont disparu.
Mirai est à 650 mètres d’altitude, et le Tarn, à ses pieds, à 608. A droite, le
Tarn conduit au Pont-de-Montvert; à gauche, le « valat » de Runes monte à la
cascade. Peu pittoresque est l’escalade que fait la vieille route. De tous côtés,
d’énormes masses de granit menacent de rouler dans la vallée. Sur le flanc des
monts, tout est nu et sauvage.
En bas, quelques châtaigniers rompus par les ouragans. E t c’est tout. Le pays
est triste, affreux. Rien ne vit. Nous n ’avons pas les superbes rochers des gorges
de l’Ailier, ni les grottes profondes, ni les orgueilleuses falaises qui couronnent
le causse Méjean.
Mais tout change après Ruas, vers la cote 869 ; au bord des ruisseaux
bruyants, la verdure reparaît. Chaque rocher donne sa source. C’est la sérié des
cascades qui commence.
La plus belle est celle de Rutïès, située au nord et en contre-haut du village
de ce nom et de la route (994 m.). D’anciens actes nomment G a d’Albaret le
ruisseau de Mirai qui s’y brise, curieuse réminiscence du mot gave, conservé
dans les hautes montagnes du Béarn.
Dans les Alpes, les Pyrénées, la Norvège même, la cascade de Runes serait
de deuxième ordre assurément, mais ne passerait certes pas inaperçue. Ici, au
milieu de sa ravine du mont Lozère, on Padmire sans réserve, surtout quand,
après la visite des Causses, on a complètement perdu l’habitude de voir des
torrents s’écrouler, du haut en bas des parois rocheuses qu’aucun voile humide
ne mouille, dans les. canons secs.
Vue d’en bas, la cascade ne paraît pas ce qu’elle est en réalité. Son resserrement
la rapetisse. La colonne d’eau n’a pas moins de 62 mètres de hauteur.
Elle tombe d’abord verticalement ; mais aux deux tiers de sa chute elle rencontre
l’arête saillante du roc, se brise.et,rebondit avec une nouvelle force
jusqu’au milieu du bassin qui la reçoit. Dans cette b risu re , les gouttes d’eau se
divisent à l’infini, et leur fine vapeur décompose la lumière du soleil en produisant
mille arcs-en-ciel,"
Le bassin qui reçoit les eaux de la cascade est semi-circulaire, creusé dans le
roc, qualifié de gouffre insondable, et profond en réalité de quelques mètres au
plus.
1. Découverte du tombeau de la famille d’Urbain V à l’église de Bédouès, par l’abbé Gouderc, curé : Bulletin,
1854, p. 78. — Notice sur l’église de Bédouès (Lozère), par l’abbé Gouderc. Toulouse, in-8°. >