courants, par cela même qu il n y a ni avant ni arrière, on peut en toute sûreté
s abandonnei par le travers à une évolution complète et laisser le flot redresser
la barque, qui exécute tranquillement le demi-tour, sans aucun danger de submersion,
comme une simple coquille de noix; j ’ai reconnu en maintes circonstances,
particulièrement sur les rapides, que cette insolite manoeuvre présentait bien
moins de risque que la lutte normale pour le maintien dans l ’axe du courant,
lutte rendue très difficile par la légèreté et la coupe du corps flottant.
La forme plate du fond et le relèvement presque rectangulaire des flancs
nuisent au glissement sur 1 eau, c est-à-dire à la vitesse, qui ne saurait, même
à la descente et avec un courant appréciable, dépasser 6 kilomètres à l’beure.
Mais cette forme même assure la stabilité indispensable pour une embarcation
aussi peu saillante sur l’eau.
Et c est ici qu il faut intercaler les renseignements numériques tirés du catalogue
du constructeur, dont j ’indique l’adresse : N. A. Osgood, à Battle-Creèk,
Michigan (Etats-Unis), sans aucune idée de réclame d’ailleurs, et uniquement
comme addition nécessaire au présent chapitre.
Il y a cinq types de portable folding canvass boat.
Lon g u eu r..............................
La rgeur..................................
Profondeur au m ilie u . . . .
a u x ^ o u t s ___
Poids to t a l............................
Places .....................................
Capacité........................ ..
T ira n t.....................................
i Longueur............
Caisse, j Largeur................
* H a u teu r..............
Prix 2 . . . . . . ..........................
N ° 1 N o 2 No 3 No 6 No 7
15 p ie d s 1 . . . . .
36 p o u c es.'___
13 —
•i6 a
75 liv r e s . . . . . .
- 4 personnes . .
850 livres . . .
4 p o u c es.........
40 — ,
20 ~
20
50 d o lla rs .........
12 p ie d s ..
36 pouces.
12 —
15 —
50 liv r e s ..
2 p e r s .. .
600 liv r e s ..
4 pouces.
38 w lg
17 —
17
40 dollars.
9 pieds 1/2
36 pouces..
11 —
15 —
30 livres.....
1 p e r s ..
38 pouces..
14
14
40 d o lla rs ..
8 p ie d s . . .
33 pouces..
11 ¡ ¡ ¡ g , .
15 . . ^
30 liv res ...
1 p e rs___
36 pouces..
14
35 dollars..
8 pieds.
33 pouces.
12 —
16 —
20 livres.
1 pers.
36 pouces.
14 ' —
i4 j k i .
30 dollars.
i. Mesures anglaises : pied, 0“ ,30479; pouce, 0“ ,02534 ; livre, 453 gr. 59.
, 2. Le dollar vaut 5 fr. 18. Il faut ajouter environ 40 francs pour pris de transport, en petite vitesse et frais de douane
de Ëattle-Creek a Pans.
Pour être complet et impartial, je dois signaler quelques défectuosités de construction
faciles à corriger.
11 serait bon de placer deux traverses pour épauler lés plats-bords, maintenir
leur écartement constant et empêcher la flexion, .qui les fatigue à chaque coup
d’aviron. — Ceci m’amène à dire que, pour ne pas fausser ni forcer les diverses
parties de l ’armature en bois, il conviendrait de se servir habituellement de la
pagaie. — Deux des membrures seulement sont suffisamment fortes (larges de
S centimètres au lieu de 2 ) ; les autres ne résistent pas aussi bien aux chocs de
rochers dans les rapides, et je les ai fait toutes remplacer par de plus larges. - -
Je n ’ai jamais pu m’expliquer pourquoi le constructeur n ’avait pas posé ces deux
couples plus solides aux points d’attache des avirons, où sont rivées, comme on
l’a vu plus haut, des tiges de renfort ; en effet, les membrures correspondantes
se trouvent affaiblies par les trous de rivement ; aussi, trop minces, deux d’entre
elles ont-elles successivement cassé sur les écueils du Tarn, juste au niveau de
ces trous, sans interrompre d’ailleurs la promenade. Cela donne la meilleure
preuve de la solidité de la coque, puisque là où l’armature casse la toile ne crève
pas; une sommaire réparation suffit, d’ailleurs, pour assurer l’excellent service
du bateau et pour éviter tout nouvel accident. Je crois néanmoins qu’il faut,
sans hésitation, donner même force à tous les couples et, en tous cas, placer les
plus larges sous les avirons.
J ’ai omis d’indiquer que l’imperméabilité est obtenue par un vernis hydrofuge
spécial (waterproofing fluid), dont le constructeur paraît avoir le secret. Quand le
bateau est depuis longtemps à sec, il prend légèrement l’eau pendant la première
heure de navigation, mais devient absolument étanche dès que l’étoffe est
dilatée par l’immersion. Tous les ans seulement il faut procéder à une réimperméabilisation
complète.
La question du transport est le triomphe de l’objet : le tout se plie, se démonte,
se dévisse et se case dans une solide malle ordinaire en bois ; pour le type n° 2 (à
deux personnes), cette malle, d’environ
1 mètre de longueur sur 43 centimètres
de largeur et de hauteur,
pèse, pleine, 80 kilogrammes. En
sorte que, moyennant la taxe courante
de 0 fr. 40, deux promeneurs
peuvent confier au fourgon de bagages
leur colis fort peu extravagant,
et gagner sans plus de frais de port
telle rivière qu’il leur convient de Bateau d’Qsgood démonté,
parcourir : au point d’embarquement,
la malle vide s’expédie, par messagerie ou petite vitesse, à la station la plus
proche du terminus de l’excursion; en deux paquets légers (12 à 13 kilogr.),
bateau et agrès sont portés au bord du cours d’eau, qui, quelques minutes après,
reçoit les touristes et leur nef, le tout à la fort risible stupéfaction des gamins,
badauds et employés de chemins de fer ou d’octroi.
Que de douaniers m’ont regardé de travers quand, rentrant de promenade dans
.la capitale, je répondais à leur investigation sur ma malle (d’un ton, je l’avoue,
-quelque peu goguenard) : « .C’est un bateau! » Aucun cependant n ’a encore
poussé la curiosité jusqu’à exiger, en pleine salle des bagages, le montage justificatif
de la denrée suspecte. Grâces soient rendues à cette courtoise discrétion !
En route, s’agit-il de tourner un barrage, une écluse, une usine, un moulin :
voilà les indigènes de s’apitoyer : « Vous ne passerez pas ! Il faudra peiner pour
remonter la rivière! Que venez-vous quérir par ces côtés! C’est du mauvais
pays pour la promenade, » etc., etc. Et tous ces réconfortants propos vont encore
leur train que la barque, enlevée comme une plume sur deux épaules qui la sentent
à peine, file, déjà de l’autre côté de l’obstacle loin des Gros-Jeans ébahis.
•Voilà le charme de l ’Osgood-Boat : c’e.st un passe-partout, car ses dix centimètres
de tirant et sa légèreté extraordinaire lui permettent d’affronter toutes les
-eaux. C’est le vrai bateau des indépendants qui, loin de la civilisation à outrance,
aiment les paysages ignorés, le déjeuner en plein air, le bain libre et la nature
Vierge ; c’est aussi celui de l’explorateur qui se confie, pour la géographie ou les
■ sciences naturelles, aux eaux sauvages ou souterraines.