LES CÉVEN'NES
puissantes sources bleues et bouillonnantes ; ces sources s’écoulent en bruyants
ruisseaux longs de 100 à SOO mètres au plus, mais qui font tourner de nombreux
moulins.
On a constaté en quelques endroits la communication directe qui existe entre
tel aven du haut plateau et telle source de la gorge inférieure, notamment au site
extraordinaire de Bramabiau, près de Meyrueis, et à l’abîme du Mas-Raynal
(F. chap. Y et XI).
« Froids, tempérés ou chauds, suivant le plus ou le moins de surrection au-
dessus du niveau des mers, les Causses varient beaucoup de climat; ils diffèrent
peu de sécheresse et d’aridité, tout comme le Sahara de Transallas. Ils sont un
pays de la soif, surtout depuis que l’homme y a coupé toute forêt. Voici pourquoi :
« L’orage aux larges gouttes, la pluie fine, les ruisseaux de neige fondue, les
sources joyeuses, ces inestimables dons du ciel, ne sont point pour le causse, qui
est fissuré, criblé, cassé, craquelé, qui ne retient pas les eaux. Tout ce que lui
confient les fontaines, tout ce que lui verse la nue, entre dans la rocaille, ici par
de presque invisibles fissures, là par, de larges gouffres ou par des portes de
caverne, presque toujours par de petits trous ; mais ces étroites ouvertures
plongent sur des antres immenses1.
« C’est bien loin, c’est bien bas, que l ’onde engloutie se décide à reparaître;
elle sort d’unè grotte, au fond des gorges, au pied de ces roches droites, symétriques,
monumentales, qui portent le terre-plein du causse. Mais ce que le
plateau n ’a bu qu’en mille gorgées, la bouche de la caverne le rend souvent par
un seul flot, les gouttes qui tombent du filtre s’unissant dans Tombrè en ruisseaux,
puis en rivières. Aussi les sources du pied du causse sont-elles doublement
des fontaines de Vauèlusè, par l’abondance des.eaux, par la hauteur et la
sublimité des rocs de leurs bouts du monde. » (0 . Reclus.).
Pour posséder à boire, quand les lavagnes, ou lavognes /citernes ou mares
rendues étanches au moyen d’une couche d’argile), sont vidées par la sécheresse,
les femmes des caussenards font trois ou quatre heures de chemin, descendent
le causse, le remontent, leur cruche sur la tête, afin de pourvoir le logis de
quelques litres du bienfaisant liquide. Et le voyageur altéré par la marche ne
peut pas toujours, même à prix d’argent, trouver dans la ferme isolée le simple
verre d’eau qu’il mépriserait dans la vallée. Les boeufs et le s vaches aussi se
rendent parfois à la rivière, et lorsque, avec délice, ils y sont plongés jusqu’au
poitrail, il faut bien des cris, jets de pierres et coups d’aiguillon pour leur faire
délaisser l’abreuvoir. Quant aux brebis, la boisson administrée irrégulièrement
gâte, dit-on, leur laine; conséquence pour elles : pas d’eau de tout l’été !
A cause de ce régime souterrain des affluents, les crues des rivières ne peuvent
s’annoncer d’amont en aval, ainsi que dans les fleuves normaux des' grandes
plaines; elles sont soudaines comme les orages qui les provoquent, et terribles;
de là ce dicton populaire :
Qui passa lo L.ot, lo Tarn et l’Aveiron
N’es pas segur de to rn a e n samaison!
Il n ’y a rien d’exagéré à dire que la région des Causses possède une des sept
merveilles naturelles de la France. Dans notre beau pays, en effet, le’ cirque de
1. Nos recherches sur les avens en 1889 ont prouvé au contraire qu’ils ne communiquaient pas, en général,
avec-de grandes, cavernes; {V, chap. XXIII.)
LES CAUSSES. # LES CANONS. ,'— LA CARTE 9
Gavarnie, la rade de Toulon, les environs de Cannes et l ’Esterel avec leurs vues
sur la mer et les Alpes, l ’amphithéâtre de la Bérarde en Oisans, le massif du
mont Blanc et les falaises d’Etretat, peuvent seuls se comparer aux gorges du
Tarn pour l’impression de stupeur admirative produite sur le spectateur.
Lodore caûon.
(Communiqué par M. Hoeizèl, de Vienne.).
« J ai, dit M. Lequeutre, visité à- plusieurs reprises les d u s de l’Aude, du
Rébenli et’de l ’Aiguette, les canons du versant méridional du massif calcaire
des Pyrénées, et je n ’ai rien vu de plus réellement beau que les gorges du Tarn.
J ai les comparaisons en horreur, et ceci n ’en est point une, mais seulement une
recherche dans mes souvenirs, et j ’avoue ne pas comprendre comment ce défilé
n a pas une réputation européenne. »