Il fallait tra ile r de même un département français, la L ozère, vis-à-vis duquel
il y avait une grande injustice à réparer.
On lit, en effet, dans les géographies, que la Lozère est le plus pauvre des
départements de France, et la statistique, parlant en chiffres, leur donne ra iso n 1 :
assurément les ressources économiques semblent lui avoir été refusées (car les
produits des mines de plomb de Vialas s’écoulent vers Le bassin du Rhône et
enrichissent plutôt les populations du Gard).; l’industrie, Iè commerce et 1 agriculture
n ’y fleurissent guère (très montagneux, c’est peut-être celui dont l’altitude
moyenne est la plus élevée *); les Hautes-Alpes et les Basses-Àlpes sont seules
moins peuplées3 ¡... Mais ce que la statistique,.la géologie, la géographie même,
n’ont pas reconnu, ce que les simples promeneurs ont établi, c’est que la Lozère
s’élève justement au premier rang par ses curiosités naturelles et scientifiques.
Sous le rapport de la topographie pure, une véritable découverte géographique
a été faite en 1883 seulement dans les Causses : Montpeluer-le-Vieüx.
M o n tp e l lie r - le -V ie u x e s t u n e e s p è c e d e v ille d e r o c h e r s d ’a p p a r e n c e a r tif ic ie lle ,
c o n s t r u i t e , p u i s r u in é e p a r le t r a v a i l d e s e a u x c o u r a n t e s e t d e s m é t é o r e s , u n e
s o r t e d e P o m p é i a o u de K a r n a c g ig a n t e s q u e e t n a tu r e l l e .
Bien que situé à 12 kilomètres seulement à l’est de Millau (Aveyron), bien
que couvrant une surface de 600 hectares, ce chaos de pierres avait échappé
jusqu’en 1883 aux touristes et aux géographes et ne figure su r la carte de l’état-
m a j o r français que depuis le mois de février 1889.
On s'en fera une faible idée en imaginant la triple combinaison des sites célébrés
de la forêt de Fontainebleau, des falaises du pays de Caux et de la Suisse saxonne.
1. T a b l e a u d e s q u a t r e d é p a r t e m e n t s l e s m o in s e t l e s p l u s p e u p l é s d e F r a n c e (chiffres de;18S8).
DÉPARTEMENTS
NOMBRE
d’habitants
par
kilomètre %
carré
POPULATION
^ - :én 1886
NOMBRE
de
communes
REVENUS.
ANNUELS
NOMBRE
de
communes
possédant
un octroi
PRODUITS
ordinaires
DES OCTROIS
22 122,924 189 640,956 | 8 212,810
19 . 129,494 250 480,627 10 ’ 162,954
I 27 141,264 197. 140,596 2 51,535
51 211,1.87 231 964,606 22 573,718
138 833,386 759 12,373,390 25 7,921,098
129 853,526 903 5,645,048 29. 3,453,421
294 1,670,184 665 19,564,320 . .7 0 11,803,450
6,185 2,961,089 75 238,886,433 40 142,308,622
Autres revenus de moins de 600,000 francs : Creuse, 448,443 ; Lot, 494,972 ; Corrèze, 591,456. . •
Autres revenus de plus de 5 millions : Seine-el-Oise, 5,185,789 ; Gironde, 9,950,249 ; Rhône, 12,425,963 , 4
Bouches-du-Rhône, 14,929,088.
A u t r e octroi-de moins de 200,000.francs : Creuse, 131,926.
Autres octrois de plus de 3 millions : Loire, 3,061,035 ; Gironde, 5,186,276 , Rhône, 8,570,000 ,. Bouches
du-Rhône, 9,164,812. ' . . . , , , AiT , . qq®
| (D’après ïa Situation financière des communes en 1888, publication du ministère de 1 intérieur. Melun, 1888,
1Ü2 'sm & communes, 136 sont à une altitude supérieure à 800 mètres, et 7 seulement plus basses, que
400 mètres. Aussi (sauf au fond des vallons) le climat est-il extrême : hiver glacial, été brûlant. .;
3. Population de la Lozère : 1696,’ 150,000; - 1798, 132,502;. - 1801, 126,503; g l 1806 141 322; - .
1816 143 247- - 1820, 1 3 3 ,9 3 4 1 8 2 8 , 138,778; - 1831, 140,347:; m 1836, 141,733", - 1841, 140,788; -
1846 143 331 ; - 1851, 144,705;’ - 1856’ 140,819; - 1861, 137,367; - 1866, 137,263; - 1872, 135,190; —
1876,138,319; — 1881, 143,565; — 1886, 141,264: (Annuaire du Bureavdes longtlmlci.)
«Montpellier-le-Vieux n ’a point été bâti comme fait l’homme, pierre sur"
pierre, par ajustement de blocs, mais comme le statuaire fait la statue, par
enlèvement de substance,Le gel et le dégel, la foudre, le soleil, le vent, les
pluies, ont taillé, vidé, limé la dolomie, par l’emport de ce que cette roche avait
. de plus mou ; les sels de fer ont coloré la masse résistante.
« Les âges ont ainsi sculpté cette ville sans hommes dans une solitude sans
arbres, sinon quelques p in s , des arbousiers, des églantiers, des buissons et festons
de v erdure. Us ont entassé là toutes les architectures : dolmens, menhirs,
avenues, obélisques, pylônes, cirques et colisées, maisons carrées, dédales et
labyrinthes, arches triomphales, et surtout des châteaux militaires, des « cités de
Garcassonne », avèc murs d’enceinte, tours et tourelles, donjons, créneaux,
préaux, poternes, meurtrières et mâchicoulis; tout cela ru gueux, raboteux,
monstrueux, et pourtant régulier dans son dispersement et son irrégularité, car
le même ouvrier, la nature, y travaille la même p ie r re 1. »'
Mais n anticipons pas sur les explications détaillées, et voyons un peu dans
quel pays nous allons voyager.
Les Causses sont ces grands plateaux calcaires qui forment, entre Mende, Rodez
et Montpellier, le talus méridional du massif central français et la déclivité occidentale
des Cévennes, et qui semblent s’appuyer à l’est sur les granits et les
schistes du mont Lozère (1,702 m.) et de l’Aigoual (1,867 m.). Comme un golfe
en forme de Z épais, ils pénètrent et divisent en deux portions les terrains schisteux
des Cévennes méridionales. Espalion, Marvejols et Mende, c’est-à-dire le
bassin du L o t, forment leur limite Septentrionale; sur Florac,' l ’Aigoual, le
Vigan et l’Hérault, ils sont coupés à pic vers l’est ; -le riant bassin de Lodève
en est Je portail méridional; à l’ouest enfin, Saint-Affrique se place à l ’angle
inférieur, et Rodez à la pointe gauche supérieure du Z. Sur une carte géolo-
gique de France , cette disposition saute aux yeux. Les CaUsses couvrent donc
une grande partie des départements français du Lot, de la Lozère, de l’Aveyron,
du Gard et de 1 Hérault. Leur nom, emblème de leur composition minéralo-
gique, vient du latin calx (chaux), par l’intermédiaire du patois caous3. La géologie
nous expliquera comment ces tables calcaires, presque horizontales, ont été
formées jadis au fond des océans de la période secondaire, par les lentes accumulations
de grains de sable et de débris organiques (squelettes et coquilles), épaisses
de ptus de 800 mètres ;. au lendemain-du dessèchement de ces mers, dites jurassiques,
elles ne constituaient qu’une seule masse continue; ensuite, l’action des
pluies, le ruissellement et les érosions dessinant, creusant et approfondissant
achaque siècle davantage, d’étroites vallées, ont, de haut en bas, tronçonné
leurs strates superposées en une multitude de petits causses secondaires et
a” Z T i n™SSeS PrinciPau x> les hauts causses, les causses majeurs, élevés
de 800 à 1 200 mètres, et qui sont, du nord au sud : le causse de Sauveterre, '
e moins stérile de to u s ; le causse Méjean ou Méjan (du milieu), le plus aride,
éleve et isolé (320 lui. q.), rattaché à l ’Aigoual par un isthme qui, en un certain
point, n a que 10 mètres de largeur ; le causse Noir, le plus pe tit, mais aussi
2 S i S i î Ü i S l ï S el “ s colonies> fe I " ; en France, p. 46. Paris, Hachette, 1887, in-8°.
: 1889, 4 feuüles 9 “ 50 1,000,000«, publiée par le ministère des: travaux publics. Paris, Baudrv,
1889, 48 feuilles W r * - ‘ ’ CARal z' cart6 géologique de France au 500,000«. Paris, Dagincourt,
et au 500,000e. ’ - j UF - 0Y ET E DE Beaumont, Carte géologique de la France au 2,000,000»
3. Les anciens actes disent Caucium sine corona.