vallée qui est passée sur la rive gauche de la Dourbie. C’est un petit village du
causse Noir cramponné à un chaos de rochers, au-dessus de la Dourbie, en face
du Larzac ; le ravin qui s’ouvre derrière forme encore un cirque, un ensemble
d’accidents dolomitiques, comme celui de Madasse, comme ceux de Montpellier-
le-Yieux, avec les fûts de colonnes, les chapiteaux, les aiguilles et les champignons,
si abondants dans ces terrains. Le tout est dominé par un énorme massif
de rocs taillés en forteresse, et dont un château féodal a épousé la forme, si
bien que l’on ne distingue plus les tours et murailles artificielles dés tours et
murailles naturelles. Ce château fut, paraît-il, le berceau de la famille de
Montcalm, dont le membre le' plus illustre, le maréchal Louis-Joseph, marquis
de Montcalm de Saint-Yéran, lutta si glorieusement, contre les Anglais pour la
possession du Canada, et fut tué, ainsi que le général ennemi Wolfe, à la sanglante
Roquesaltes. — Püut. Julien.
bataille de Québec, le 14 septembre 1759. Aujourd’hui, le castel abandonné
tombe en ruine, et ses pierres croulantes endommagent parfois les: sordides
masures qui-abritent sous ses murs quelques pauvres familles de vignerons.
Si la position de ce hameau isolé, et perdu est pittoresque, la misère
y est grande; et comme un voyageur observait un jo u r que les Montcalm
étaient sortis du château de Saint-Yéran, il reçut d’un habitant de l’endroit
cette plaisante réponse, qu’on ne s’attendait guère à trouver dans la bouche d’un
simple caussenard : « Ce n ’est pas étonnant qu’ils en soient sortis, car c’est
du mauvais pays, et nous voudrions bien pouvoir faire comme eux. »
Quand on arrive à Saint-Véran du côté du nord-est, par le vallon de la Bouteille,
en venant de Meyrueis et Lanuéjols, le coup d’oeil, est plus pittoresque
encore, parce que tout à coup le vallon tombe à pic d’une quarantaine de mètres,
en débouchant sur le chaos drapé de lierre, tapissé de plantes grimpantes,
ombragé de grands châtaigniers. C’est une surprise de plus à ajouter à celles
déjà éprouvées. Toutefois Saint-Yéran ne vaut pas le Rajol.
A la famille de Saint-Yéran appartenait aussi Théodat-Dieudonné de Gozon,
chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, qui vainquit le fameux dragon de l ’ile
de Rhodes et mourut en 1353*.
Millau conserve encore une porte et une rue de son nom; près de cette ville
môme, dans un bois de châtaigniers appelé les Dragonnières de Gozon, on montra
it autrefois la grotte o u jî exerçait ses dogues à combattre en effigie le formidable
serpent ! \
Gozon fut grand maître de son ordre à la mort d’Elion de Yilleneuve, en 1346;
Le Rajo l : Colonne é g y p tie n n e . — P h o t. G. G au p illa t.
mais, sur son tombeau, l’épitaphe : Draconis extinctor, n ’est certes pas son moins,
beau titre de gloire.
Le château de Saint-Yéran rappelle, encore lé souvenir de Jean-Louis-Pierre-
Elisabeth de Montcalm-Gozon, enfant célèbre né en 1719. Dès le berceau, il
apprit à connaître les lettres par le moyen du bureau typographique qui avait
été imaginé pour lui. A trente mois il les connaissait toutes, et à trois ans il
lisait parfaitement le latin et le français, môme manuscrit. A quatre ans on lu i
1. F. la b allad e de S c ü ï l l e r : le Dragon de Rhodes.