Ce village possède encore le seul temple protestant qui n ’ait pas été détruit
dans les Cévennes durant la guerre des Camisards.
Enfin, bien que nous soyons ici loin des Causses, nous ne pouvons omettre de
rappeler qu’entre Barre-des-Cévennes et Saint-Jean-du-Gard la jolie vallée Française
ou du Gardon de Sainte-Croix possède, à la Boissonnade(comm. de Moissac),
une très curieuse petite église (Notre-Dame de la Victoire), que l’on croit carlo-
vingienne, du commencement du xa siècle; ni le seigneur de Gabriac au xvna, ni
les Camisards au xvme, ne purent la détruire par le fer ni même le feu, tant elle est
massivement construite en fraidonite, sorte de porphyre noir; elle sert actuellement
(depuis 1800) de temple protestant. L’édilice a 22“ ,50 de longueur, 6 mètres
de largeur et 9“ ,50 de hauteur. Un acte ancien mentionne la donation de cette
église à l ’évêque de Nimes par le pape Jean XI, entre 931 et 936*.
Le Tarnon, fossé occidental du Mëjean vers l’est, soutire quelques filets d’eau
aux Cévennes, mais ne se grossit réellement que de la Mímente, à droite, 1 kilomètre
avant Florac. La Mimente, dans le val d’Arpaon, que remonte-, par Saint-
Julien et Cassagnes, la roule du col du Jalcreste (957 m.) ( V. ci-dessus), dirigée
vers le Gardon et Alais, a 27 kilomètres de cours ; elle naît à la montagne du
Bougés, qui sépare sa vallée de celle du haut Tarn et qui, détachée de l ’axe des
Cévennes au signal de Saint-Maurice (1,354 m.), s'allonge en large crête parallèle
à celle du mont Lozère pendant.19 kilomètres, vers l’ouest, jusqu’au confluent
du Tarn et du Tarnon ; le Bougés culmine à 1,424 mètres et atteint encore
1,030 mètres au-dessus de Florac, à la montagne de Ramponèche.
« Bougés, parce qu’il était couvert de buis, et ici le buis est un arbre ; mais
l’homme a pris sa hache, et il y a désormais plus de nudité ou plus d’herbe que
d’arbres sur cette montagne. »
Sur le versant nord du Bougés, entre le point culminant et le Pont-de-
Montvert, le bois d’Altefage abrita la première assemblée des protestants qui, le
23 juillet 1702, décidèrent la mort de l’abbé du ('.hayla. (F. p. 236.)
A Florac même, le Tarnon reçoit la source du Pêcher, où la mère du berger de
,1a Picouse retrouva le fouet, puis le corps de son fils. (V. p. 78). Pêcher est une
corruption de Pesquio (vivier), vrai nom de la source, alors que les châtelains de
Florac l’avaient aménagée en réservoir à poissons ; au surplus, l’appellation primitive
était : fontaine du Biberon ou Viberon,
C’est une « naïade fantasque ; son urne le plus souvent n ’épanche qu’un ruisseau
; mais parfois il en tombe un écroulement d’eau jaillissant par fissures, craquelures.
trous, corridors de.rochers, en un lit hérissé de blocs; sortant à près
de 600 mètres d’altitude, elle filtre moins de pluie, moins de neige causse-méja-
naise, que les fontaines qui surgissent à 500, à 400 mètres dans le cation du
Tarn : moins profonde, elle est moins fidèle, » (O . R eclus.)
Le grandiose rocher crénelé de Rochefort (1,083 m.j domine la ville exactement
de 500 mètres.
Au-dessus de la source, une grotte dite Baume-Brune ne mérite pas la moindre
attention.
Florac (2,157 hàb. la comm., 1,824 aggl.) est une ville paisible, peu commerçante,
un délicieux séjour de campagne. Traversée p arles eaux de la source, elle
va baigner ses pieds dans celle du Tarnon, et' le Tarn vient presque à ses portes.
1. Notice de Notre-Dame de Vallée française, avec planches, par F. André, archiviste : Bulletin, 1869, p. 262.
Aussi certains étymologistes ont-ils cru que les Romains l’avaient nommée la
fleur des eaux (Flos aquarum), d’où Florac. Plus simplement, M. Germer-Durand
fait dériver ce nom de F/oriacum, villa de Florus (ait. 583 m.),
Il n ’y a absolument rien à visiter à Florac, sauf peut-être la façade du couvent
de la Présentation (1583). Pendant la guerre des Camisards, une chambre ardente
y jugeait lés rebelles. Une grande partie des habitants pratique encore la religion
réformée. Le vallon de Florac produit beaucoup de fruits.
Au contact des schistes et du calcaire, plusieurs sources jaillissent, inondantes
après les grandes pluies seulement ; celle des Fouzes (650. m. d’alt.) gonfle la
Mimente au lendemain des jours d’orage.
De Florac en Gévaudan conduit une des routes des Causses les plus riches en
beaux points de vue, celle du col de Montmirat. Passant le Tarn à 536 mètres, au
moment où elle laisse à droite la double voie du Pont-de-Montvert (V. p. 244), elle
commence son escalade à 5 kilomètres de Florac : à ce point bifurque vers la
gauche la route d’Ispagnac et de Sainte-Enimie. On s’élève doucement, ayant
à 1 est 1 Eschino d’Ase (dos d’âne) ( 1,235 m.), masse, calcaire superposée à un promontoire
du mont Lozère, et le causse de Sauveterre à l’ouest; entre eux, et en
contre-bas de la chaussée', le regard plonge charmé dans les profonds valais
d’Ispagnac, jamais visités quoique ravissants.
Les touristes qui descendent le Tarn de Florac à Ispagnac passent à côté. 11
faut, pour les voir, quitter la route départementale à 1,500 mètres environ avant
Ispagnac, au pont du Cantonnet, et s’engager dans le défilé qui s'ouvre au nord
comme une profonde déchirure. Là sont les valais, cespelites vallées resserrées,
déclives, sinueuses, allongées depuis le sommet de la montagne ju sq u ’aux bords
de la rivière.
Un chemin communal bien entretenu conduit au villagè de Lonjaqnes et aux
hameaux du Marazel et de Nozières. On marche à l’ombre sous les châtaigniers,
lé long des prairies en pente; à droite, le ruisseau des Combes murmure dans
d’énormes blocs granitiques, qui contrastent bizarrement avec les roches calcaires
ou schisteuses.
Les arbres les plus variés, le pied dans l’eau, gardent tout l’été leur feuillage
frais et touffu. Les oiseaux jasent sous les branchages.
Plus haut, le ruisseau prend une allure rapide; i l glisse, écumant, étroit, dans
la pierre dure ; les grands rochers escarpés de Vaissy dominent les monticules
intermédiaires et séparent les valats de Lonjagnës de ceux de Nozières. Une
muraille est debout au bord de l ’abîme : ce sont les ruines du château de Vaissv
et de sa chapelle Saint-Sauveur, château démantelé, abandonné, écroulé pierre
à pierre. Autour et au pied du dernier pan de mur, des restes de masures grossières
se distinguent au milieu d’un chaos de pierres ; là les ' habitants du voisinage
se réfugiaient sous la protection du château. Ces valats méritent d’être
parcourus.
De la îoute on en domine 1 ensemble, on entend leurs eaux joyeuses, mais on
ne saurait goûter le charme de leurs détails à la fois champêtres et alpestres.
Presque sans trêve, la bise souffle au seuil étroit du col de Montmirat
(1,046 m.J, d’où une route transversale gagne Runes par les dernières croupes
de la Lozère, en s’élevant jusqu’à 1,240 mètres. Le col est une porte que l’on
franchit et qui, refermée derrière le voyageur, ne laisse plus rien soupçonner du
Tarn. De tout temps ce fut un débouché des Cévennes. D’une mine de plomb récem