ouest du cirque des Rouquettes, la rue des Aiguilles borde le flanc de l’arène,
derrière un long mur rocheux, et forme un déambulatoire principal : elle coupe
toute la ville en deux; une corniche à pic et deux cols étroits la divisent elle-
même en trois sections qui se prolongent l’une l’autre. Ainsi qu’à l’amphithéâtre
d’El-Djemm (Thysdrus), en Tunisie, une large brèche est ouverte au sud du
cirque des Rouquettes ; toute la paroi de ce côté est détruite, comme si la pression
de l’eau l’avait précipitée de 320 mètres de hauteur dans la Dourbie, pendant
une naumachie de géants. Semblable à un pylône égyptien (n° 31), le grand portail
est fort en contre-bas, compris entre deux pieds droits de 40 mètres; le temps
Cirque des Rouquettes, p aro i ouest. — Dessin de Vuillier, ph o t. C. Julien.
(Communiqué par le Club alpin.)'
a détruit le linteau. En suivant le lit à sec du Canazels, on peut atteindre la
Dourbie et la route de Millau, à travers les écroulements que nous admirions
tout à l’heure. C’est peu d’une heure pour traverser, contourner, descendre,
remonter les restes informes de cette architecture effrénée.
C i r q u e d e l a . M i l l i è r e (de millet, maïs en patois). — A l’extérieur, la paroi sud-
.estest une vraie fortification : la Courtine, percée de trois brèches (n "4 4 e t4 3 ). Sur
une corniche (730 m. d’altitude) coupée à pic, court un chemin de ronde long de
230 mètres, d où les assiégés, dont on suppose toujours et malgré soi l’existence,
surveillaient les travaux d’approche de l’ennemi campé sur les rives do la Dourbie!
On me dit que j ’abuse des comparaisons militaires; vous en ferez tout autant là-bas,
ne sachant pas au juste si vous visitez une place forte cyclopéenne ou un amoncellement
de rochers. Ajoutez qu’entre cette corniche et la rivière sont semés les
arcades et les chapiteaux, les terrasses et les colonnes s’effondrant en cascades de
pierre dans le ravin de^Canazels; à gauche, le Château-Gaillard commande toute
la position, et les minarets des Amats dardent leurs pointes dans le ciel bleu.
Ce tableau général et grandiose fait diversion aux scènes de détail et proscrit la
monotonie. — Le mur de la Courtine se prolonge au nord-est ; mais il a cédé sous
la pression des eaux d’amont, qui y ont entaillé six fissures parallèles longues de
80 à 120 mètres, hautes de 30 à 30 et larges de 1 à 10 mètres, comme des
crevasses de glaciers: c’est le débouché de la Millière dans le ravin du Doul;
je renonce à expliquer l'enchevêtrement de ces entailles; rien n’est plus singulier
L’Échiquier. — Phot. Chabanon.
dans to u t Montpellier, et si les caussenards avaient connu plus tôt cet endroit,
nul doute qu’ils n ’y eussent vu l ’empreinte des griffes du diable. Trois de ces
fentes (celles de l’est) sont infranchissables, barrées par des ressauts et d’énormes
blocs, entre lesquels les eaux devaient furieusement bondir à l ’époque où elles
sculptaient la Millière; les trois autres se peuvent parcourir modo caprarum, des
pieds et des mains, et il est indispensable d’en aménager une commodément,
pour que les touristes ne soient pas privés de cette curiosité. — En arrière, une
large surface nivelée, le Forum (n° 49), est la partie la plus déprimée de la Millière
{732 m.). Ici, comme à Pompéï, gît une quasi-cité morte, sans toits ni habitants,
avec ses carrefours dallés, ses balcons et ses fenêtres, ses portiques et presque
ses temples, plus gaie cependant, à cause des grands arbres; tout autour,
de nombreux champignons rocheux en forme d’urnes ou de cénotaphes ont
fait placer là aussi une rue des Tombeaux (n° 37). D’autres observateurs y ont
vu des mitres d’évêque ou des bonnets persans, voire même des profils de