ont sans douto effacés sur les roches extérieures ? Un examen superficiel ne suffit
pas pour convaincre de l’existence d’un ancien glacier de Bellecoste. Une étude
attentive serait nécessaire pour résoudre cette question. On notera que ce champ
de glace encore hypothétique semble s’être arrêté vers l’altitude de 1 ,100 mètrçs,
supérieure à celle de 900 mètres, où M Martins limite le glacier de Palhères. Cette
différence s’expliquerait par l’exposition de Bellecoste en plein midi, sur le versant
sud, où la fusion solaire était plus rapide. Qu’il y ait ou non des ruines de
glaciers aux sources du Tarn, dans tous les cas le dernier mot n ’est certainement
pas dit sur ces restes de l’époque frigorifique dans la Lozère : il y a là un champ
d études à peine exploré et qui promet d’être fertile en découvertes. Les blocs
isolés, les dépôts de sable, les formes doucement ondulées des çroupes, le moutonnement
général des crêtes, font présumer à première vue qu’un couvercle gelé
a dû revêtir et arrondir jadis la presque totalité du massif. Le frottement de cette-
carapace a commencé par émousser, raboter la montagne ; puis la fusion a laissé
derrière elle, à 1 état de sciure de roches, des argiles feldspathiques où l’herbe
des pâturages a pu puiser une alimentation suffisante et former quelques couches
d humus ; sans ces deux couvertures successivement protectrices, de glace
d’abord, de sol végétal ensuite, les agents atmosphériques eussent vite déchiqueté,
dans toute la Lozère *, les granits à gros grains, si aisément décomposables.
C est ce qu ils ont fait d’ailleurs au cirque de Palhères, dont les parois étaient
trop escarpées pour retenir accroché un manteau de névés ou d’argiles feldspathiques
fertiles. A ce propos, remarquons que cette même raideur dps pentes a
produit là un résultat d’ordre tout différent : elle a empêché les neiges de s’accumuler
sur une assez forte épaisseur pour former un glacier de premier ordre;
ceci explique pourquoi M. Martins a eu raison de reconnaître comme secondaire
1 ancien courant glacé de Palhères. Avant de croire sans réserve à la grande
extension des phénomènes glaciaires sur le mont Lozère, il faudrait de sérieux
travaux d’ensemble pour établir d’une façon précise dans quelles circonstances
et dans quelles conditions ces phénomènes se sont manifestés et développés. '
CHAPITRE XVIII
LE GÉVAUDAN
Mende. — Les Gabales. — La légende de Saint-Privat. — La bête d u Gévaudan. — Le tombeau
romain de Lanuéjols. — Vallée du Lot. — Village préhistorique de Chastel-Nouvel. — Le
grand Central français. — Le Pa la is du Roi. — Châteauneuf-de-Randon.
A Mende, en Gévaudan2, nous arrivons par le sud ou l’est, soit de Florac et du
col de Montmirat, soit du pic de Finiels et du Bleymard.
1. Y. M. M a i s o n n e u v e , Not-ice sur la montagne de la Lozère : Mém. de la Soc. d’agriculture de Mende, t. III
1829, p. 106, et Journal des mines, n° 113, p. 401.
2. V. Extrait des archives de laviche de Mende, comté et pays de Gévaudan, contenant : la Charte ou Bulle
d’Or de 1161 ; l’Echange de 1266, entre saint Louis et l’évòque de Mende, Odilon de Mercoeur et le Paréage
Finies sont les merveilles des Causses, bien que quelques plateaux encore doivent
se présenter à nous sous ce nom; mais dans le nord-ouest de la Lozère,
autour de Mende et surT’Aubrac, il nous reste plusieurs curiosités à voir, qui,
pour moins insolites, ne sont ni moins intérèssantes ni plus connues.
Mende, la Mimate ou Memmale ou Mimatensis mons de Grégoire de Tours, en
qualité de préfecture nantie d’un chemin de fer, n a droit ici q u à quatre
lignes : évêché; 8,033 habitants (5,749 aggl.}; 739 mètres d’altitude ; ravissante
situation entre le Lot et ,Îe causse de Mende, qui la domine de 350 mètres ; deux
beaux clochers Renaissance à la cathédrale; préfecture (ancien évêché) brûlée,
avec sa galerie de portraits des évêques, en 1886; ermitage Saint-Privat; ruelles
s a l e s , belles allées de platanes et éclairage à la lumière électrique. Demandez le
reste au Guide Joanne.
C’est la capitale du Gévaudan, l ’ancien pays des Gabales, le Pagus Gabalicus,
Gabalitanus, Gavelitanus3 Gavaldanus, le Gabauldan, où les évêques de Mende
acquirent, à la fin du xi’ siècle, avec le titre de comte, le droit d’exercer dans
leur diocèse l’autorité temporelle. Plus tard ils partagèrent ce droit avec les rois
de France, et, jusqu’à la Révolution, dans les bailliages du pays on rendait la justice
to u r à tour au nom du souverain et de l’évêque. Le Gévaudan enfin eut ses
états particuliers, qui siégèrent alternativement à Mende et à Marvejols.
« Ainsi appelait-on ce territoire avant 1789, ainsi rappellera-t-on longtemps, ou
toujours, en dehors du style administratif et fiscal. — Il y a cent cinquante ou
deux cents ans, ce pays avait plus de villages, des villages plus grands ; et des
hameaux y sont devenus ruine, ou maison seule, ou simple souvenir, et même
oubli. Dans la Lozère, deux choses ont diminué : les sylves et les fonts. Jadis
telle source’ cévenole bramait toute l’année, pour parler avec le patois de ces
lieux, c’est-à-dire qu’elle chantait ou du moins murmurait sous un dais de feuillage
; maintenant elle tarit en été dans son pli chauve et fauve, au pied d’un talus
désossé, d’un éboulis, d’un roc que le soleil écaille dès que la neige ne le glace
plus, intus ad ossaJ » (O . R eclus.)
L ’ermitage Saint-Privat a sa légende aussi. Au v* siècle, en 408, les Vandales,
menés par Crocus et venant de ravager la Lyonnaise et l’Auvergne, entrèrent en
Gévaudan, dont saint Privât était évêque : évêque ayant pour richesses le cilice
qui le couvrait, et pour palais une grotte du causse. Maîtres de Javols (Anderi-
tum), alors capitale des Gabales, les barbares sommèrent le saint d’inviter ses
fidèles à leur livrer le Gredonense castrum (Grèzes) (F. chap. XXVIII), qui leur
tenait encore tête. Son refus lui valut le martyre : la tradition veut que, nouveau
Régulus, il ait été roulé au pied de la montagne dans un tonneau intérieurement
hérissé de pointes acérées et de lames tranchantes ; la chronique, plus banale, le
fait succomber sous le glaive. La famine délivra le Gévaudan des barbares ; les
de 1306 ; 3 feuilles in-fol. (s. 1. n. d.) du xvn° siècle ; — Documents historiques sur la province-dû Gévaudan, par
Gustave d e B u r d i n , archiviste; Toulouse, imprimerie de P. Lachapelle, 1866-1867 ; 2 vol. in-8°; — Vie de
saint Privât, martyr, premier évêque et patron du Gévaudan, par l’abbé R a b e y r o l l e , vicaire général; Paris, 1837,
in-8° ; — Vie de saint Privât et guide du pèlerin à sa grotte, par l’abbé R i g a l ; Bar-le-Duc, 1875, in-8° ; —
Actes sur la passion et les miracles de saint Privai, recueillis dans un manuscrit latin depuis 1171 jusqu’en
1360. Extrait des Archives de la Lozère, par l’abbé B â l d i t , archiviste; Bull, de la Lozère, 1852, p. 57; —
Gabalum christianum ou Recherches historicoci'itiques sur l’Église de Mende, aujourd’hui département de la Lozère,
par l’abbé J.-B.-E. P a s c a l ; Paris, chez Dumoulin, 1 vol. ih-80, ’ 1853;- — L’Église de Mende et ses premiers
évêques, étude critique par le P. G a y d o u ; Bull, de la Lozère, 1855-1856, p. 240 et 282; et 1856, p. 85 et 208;
r— Origine et histoire abrégée de l’Église de Mende, par l’abbé J. G h a r b o n n e l ; Mende, in-8°, impr. Privât»
1859.